Au petit jour, par boucaille et vent de suroît, le Trois-mâts goélette « Grande Hermine » sous misaine et perroquet enqueueute le sud du banc du Platier et mouille à l'accore. Rapidement, les deux voiles sont serrées sur leurs vergues et chaque lignotier rejoint son poste au plat-bord après avoir revêtu braies, hale-avants et trousse-couillon. Les lignes plombées, armées de hains broqués de bulots nauséeux, filent au fond.

Soudain, un cri : « la piaule, les morues sont là ». Les lignes se tendent, et, paumoyées, remontent par les mèques qui gémissent. De belle taille, les morues, vite décrochées, tombent sur le pont.

Jobic, l'ébreuilleur, un Cancalais grand'teint, adapte l'élingueux au bord de la guillotine, y pique une belle morue et, d'un geste rapide de son kopmès, l'ouvre des opercules au bas-ventre et la lance au décolleur P'tit Louis, un maos, qui la tranche.

Elle a déjà perdu beaucoup de poids cette belle demoiselle en arrivant au trancheur pour se faire extraire son nos, se transformant ainsi en un triangle à peu près isocèle dont se saisit cul-de-paumelle, pour l'énocter, l'espouler et la nettoyer.

Et la voilà en cale où « Grisaille », le saleur habile mais toujours grognon, l'allonge sur fond de sel en grommelant entre ses chicots : « Trop de sel elle jaunit, pas assez elle rougit et pourtant, elles sont toutes dans le même lit ! Ah ! Vivement Cancale et le bistrot de l'octroi où la belle Lisette aux yeux bleus de mer, nous servira quelques boujarons de bistouille un peu amère ».