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Aspect du parlé Concarnois
CONCERNANT
LA MAISON
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« Ceux-là avaient été longtemps à demeure dans le quartier de Névé »
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"Être à demeure" : habiter, demeurer (sens normal jamais
utilisé), résider comme locataire (« il
est à demeure chez un tel »
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"Mett’
ses rardes à chesser dans le grinier "
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"Grinier" :grenier forme intermédiaire dont il est
impossible de savoir si elle provient du breton
« grignal » ou
tout simplement, par métathèse, du français « grenier ».
Le mot est d’ailleurs pratiquement toujours employé dans la même
expression précitée : « mettre
son linge à sécher dans le grenier ». Il arrivait
souvent dans les vieilles maisons concarnoises que le grenier
soit « loti » entre les divers locataires qui y entreposaient leur bois et pouvaient
y mettre le linge à sécher, au-dessus des filets.
« Hier
soir dans la grande maison y a eu pique bordage sur le pondalé »
"Pondalé" : couloir, étage dans un escalier.
Au Moyen Age, et jusqu’au 16 ème siècle, le « pont d’allée » désignait le couloir de communication entre deux corps de logis, donnant l’un sur la rue et l’autre sur la cour intérieure. Il en existe encore quelques exemples dans les maisons anciennes du centre de Morlaix.
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Quand
le « pique bordage » n’a pas lieu sur la pondalé, c’est toujours dans « la
carré ».

« Maa !
Vous z’avez pas entendu ? Jusqu’à la cloche de dix heures qu’y
a eu pique bordage dans la carrée ! »
"Carré" : encore un mot dont il est intéressant de
suivre l’évolution. Il
désignait d’abord le grand lit à rideaux, de forme carrée que pouvaient
s’offrir au 18 ème siècle les maîtres de barque un peu aisés. On
pouvait encore en voir un exemplaire dans les années 1900-1905 dans
une maison du fond de La Tour d’Auvergne. Dans un second temps le
mot servi à désigner la pièce où se trouvait ce lit, c’est-à-dire
la chambre et, dans un stade final, une pièce d’habitation, les
marins ne disposant généralement que d’une seule pièce, peu à l’abri
des indiscrétions, ce qui fait que les « piques
bordages » du samedi soir faisaient les délices de toute
une maisonnée, voir de tout un quartier.
« Guillaume,
faudra par’ment que vous alliez demain sarcher quelqu’un au faubourg
pour monter sur la touette, la dégouttière fait que ruzer dessus
les abat-vent ».
"Touette" : toit.
Le mot à Concarneau est féminin comme en breton. Terme disparu assez tôt du parler courant, recueilli vers 1950 de Milie Brisson née aux alentours de 1860 à la Croix.
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"Dégouttière" :
gouttière. Vient de dégoutter : tomber goutte à goutte.
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CONCERNANT LA MALADIE - LA FATIGUE
« Pé,
ma pauv’ Marie, y reste plus une poignée de vot’ corps. » De
fait Marie a bien maigri, tellement même qu’on se demande par où
« crocher dedans ». Pas étonnant non plus : toute la semaine à « herser
son corps à l’usine » avec juste une petite goutte de café flak et de pain trempé en rentrant
à dix heures.
« Maa, taisez-vous au moins, du berc’h sur ma peau que j’ai,
que j’habite meme plus
avec mon dos. L’aut’ jour en rentrant, je me suis sentie toute badouélée.
Sur que j’ai du attraper une fluction ! »

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« Vous avez vu, la fille à la grande Mathurine, celle-là a mis son corps à mal faire….
A Concarneau où les nouvelles vont vite les jugements sont aussi
catégoriques. Il suffit d’avoir été vu « traîner seule
en faisant le tour des Forts »
ou « quitter tard la Salle de Venise ».
« Mettre son corps à mal faire » c’est
tout simplement se livrer à la prostitution mais à la longue, adoucissement du vocabulaire, il suffira d’avoir
simplement de « mauvaises fréquentations ».
Combien n’ont pas été ainsi accusées d’avoir « fait
Pâques avant Carnaval »,
c’est-à-dire d’avoir goûté à l’avance les plaisirs exclusifs du
mariage. « Faire Pâques avant Carnaval » c’était inverser l’ordre logique des choses, faire passer la joie
pascale avant les rigueurs du Carême.
Il faut se rappeler que l’Eglise
interdisait les rapports sexuels pendant le Carême et que le fameux
Carnaval, prétexte à de supposées bacchanales, faisait chaque année
fulminer le curé de la ville et ce, jusqu’avant la dernière guerre.
Une fois pris le chemin, la malheureuse se trouvait vite « en
gour ». On disait
aussi : « Celle-là va à la foire »
ou « Celle-là va à Gestel ».
La foire de la Saint-Martin, en novembre, donnait lieu à de nombreuses
réjouissances car elle coïncidait avec la fin de la pêche à la sardine.
Les marins, qui avaient quelque argent, succombaient-ils plus facilement
à la tentation ou la pauvre fille enceinte ressemblait-elle à quelque
bestiau mené jusqu’au marché ? Quant à la seconde expression, « aller à Gestel »,
on m’a donné comme explication, d’ailleurs bien savoureuse, que
la patronne de cette paroisse, près de Lorient, n’était autre que.
Notre-Dame des Fleurs….
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Point ne sera besoin dans ce cas de « faire
baz valan », c’est-à-dire
de se mettre en quête d’un prétendant, de servir d’intermédiaire.
Cette
expression rappelle une ancienne coutume des campagnes bretonnes
(et sans doute fut-elle aussi jadis concarnoise) : les familles
contractantes chargeaient un mendiant du rôle de « marieur » afin de ne pas avoir à rougir en cas de refus.
Pour cette mission,
celui-ci tenait à la main une baguette de genet (baz valan), dans
laquelle certains « celtomanes » ont voulu voir un rappel
de l’antique puissance druidique. Toujours est-il que nombre de
Concarnois ignorant tout des subtilités de la langue bretonne, prononçaient « faire passe bordel »,
ce qui donnait à l’opération une tournure assurément plus gaillarde….
sans d’ailleurs penser à mal.
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Tous les mariages, c’est bien connu, n’étaient pas des réussites
et Concarneau connaissait aussi des mésalliances ( le fait était
pourtant infiniment moins grave qu’à la campagne). On disait de
quelqu’un qu’il allait « brouiller ses pieds » quand de fait il se mésalliait. Si quelqu’un voulait épouser quelqu’un
de conditions supérieure, il « allongeait ses
pieds plus loin que ses draps ». Tout ça pour rester à jamais du « papier collé »...



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