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Lexique du parler concarnois ?

Les Concarnois ignorent le breton et jusqu’à ces dernières années en tiraient une certaine gloire. La chose n’est pas nouvelle. Au temps de Louis XV déjà, les matelots embarqués sur les vaisseaux de la Royale ne s’exprimaient « qu’en leur langue Françoise » lorsqu’ils venaient d’être interrogés au sujet des événements de mer…

En terre bretonnante et rurale, Concarneau demeurait un îlot francophone. Un peuplement en partie étranger. On a abondamment glosé sur le « coup de gueule » du Chanoine Moreau, décrivant en 1577 Concarneau comme « une retraite à voleurs, gens de corde, comme il se voit par expérience que si quelqu’un a assassiné son voisin ou fait quelque vol ou ravi fille ou femme, Concarneau est sa retraite ». Pour des raisons purement politique, le digne abbé ne pouvait voir les Concarnois. Pourtant au-delà de l’exagération, il touchait du doigt le côté artificiel du peuplement Concarnois. Les soldats de la garnison n’étaient certes pas des enfants de cœur. Devenus « morte-paye », c’est à dire moitié par le roi, moitié par le gouverneur, beaucoup avaient fait souche, préférant rompre toutes relations avec leur pays d’origine.

Les Français du début des temps modernes, à condition de ne pas être attaché à la terre, migrait aussi facilement que maintenant. Tous les Brisson de Concarneau remontent à un même Jean Brisson dont on ne savait pratiquement rien, sauf qu’il demeurait quelque part du côté de l’église actuelle et dont il y a fort à parier qu’il venait du Pays Nantais. On sait que les Chacun sont restés après un entrepreneur de Saint Hilaire de Lonlay venu modifier les fortifications sur les plans de Vauban et qui garda longtemps le surnom de « Poitevin ». Les Billette venaient à l’origine du pays d’Angoulême  et les Mélanson d’Acadie d’où le traité de Paris, un jour les chassa.

Le XIIIème siècle allait voir s’installer et prospérer, grâce au commerce de la sardine pressée, une bourgeoisie d’affaire presque exclusivement recrutée en dessous d’une ligne qui s’étendait de Bordeaux jusqu’aux rivages de Méditerranée. Les Cathala, Morineau, Bonne Carère avait l’accent chantant des gens du Midi. Un peu plus tard, le docteur Balestrié allait perpétuer le mouvement, venant des vignes de l’Hérault…

Le séjour prolongé du « Vétéran », à partir de 1806, avec la vague de mariages qu’il entraîna, a marqué les esprits. Il s’inscrivait finalement dans la logique d’une époque où les transports par mer avaient seuls d’importance et où les relations de Concarneau étaient plus aisées avec Sète qu’avec Rennes ou l’intérieur des terres.

VIEUX FRANÇAIS ET TERMES DE MARINE.

Rien d’étonnant que pour une telle population le français se soit vite imposé comme langue unique. Par ces apports sans cesse renouvelés, confrontée chaque jour de marché à la vieille langue celtique, s’est créée une façon originale de s’exprimer, faite de vieux français, de breton francisé et de termes de marine.

De l’époque de Voltaire sont demeurées quelques tournures exclamatives, telles ce « Conscience », modèle d’hypocrisie qu’employait déjà le Tartuffe de 1664. « C’est une conscience que de faire une telle alliance » disait Molière. Ce que le Concarnois, moins académique, traduisait par : « Conscience aussi ! Où c’est qu’il est allé brouiller ses pieds ?  Ou encore le « Parment » dérivé d’un plus officiel « Apparemment ». Le marin pêcheur de la soupe-à-l’eau se faisait lui plus explicite : « Parment que j’irai boire un coup si j’ai envie…. »

De même ces gens, nés et vivant de la mer, ne montaient pas dans leur lit : ils « embarquaient dans la carré », lointain souvenir du temps où les lits carrés étaient clos de rideaux. Un luxe qu’ignoraient les paysans enfermés dans leurs armoires à sommeil ! Les marins ne mettaient pas leur veste, ils l’enverguaient ; au lieu de l’enlever ils la déhalaient…. Et pas un de ceux qui tossaient les sabots, ruzaient les pieds et skarzaient leurs femmes n’étaient conscients d’employer des verbes travestis du breton….

Il serait vain d’essayer de composer un lexique du parler concarnois. Tout y est accents, interrogations, nuances. Les mots changent comme les gens et le « papigaut » d’aujourd’hui a plus mauvaise mine que celui de l’Ancien Régime. Jadis c’était le champion ; aujourd’hui on le sacrerait…. roi des innocents . Cette façon, bâtarde mais grinçante de s’exprimer, a accompagné la vie et la fin d’une communauté maritime. Les concarnois d’aujourd’hui n’en ont retenu que les dernières expressions ; un voile d’uniformité recouvre aujourd’hui trop le langage.

Là encore, le sel ne vient plus de la mer.