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Phrasie n'en croit pas ses yeux :
Le petit train roule au gasoil !

L’historien Michel Guéguen fait revivre le « parler concarnois »
à travers le dialogue des deux commères Fine et Phrasie.
À lire avec un fort accent breton.

 

Phrasie  : Aleurs, Fine, contente que vous êtes de retour de voir le soleil ? Ce coup-ci, sûr qu'on est en été.

Fine  : Oh, tout façon si c'est pour voir des 75 venir faire des chistrous avec leurs airs de Je-sais-tout, moi je préfèrerais autant qu'y a pas d'été.

Phrasie  : Sûr, mais comment qu'on va les reconnaît' main'nant qu'on va chambouler tous les numéros des voitures ? On m'a même dit comme ça que les Parigots pourraient mett'« Breiz-29 » sur leur plaque. Même ça on va nous baiser avec eux ! Déjà qu'y z'ont l'accent de tout le monde, y aura pus que leurs gilets de marins pour nous dire que c'est pas des d'ici.

Fine  : Treus de nous, ousqu'il est le temps où qu'on voyait que des hommes en vareuse et patalon rapiécé de tous les bleus possib, hiver comme été, que ça grouillait sur les quais. Mais ceux-là, au moins, c'était pour de vrai, pas des strouilles déguisés.

Les mardi gras du rond-point

Phrasie  : Gast oui, regardez comment que c'est devenu ! Que même les goélands y trouvent pus arien à morfaller. Pus une arête sur le port ! Non content, voilà qu'on détruit leurs nids... vous verrez que dans queq' temps on va venir nous dire qu'on n'aurait pas dû. C'est vrai que sans eux, le port fait encore plus sumitière.

Tiens, pour faire plaisir aux plaisanciers, pourquoi qu'on passerait pas des disques de cris de goélands dans les hauts-parleurs ?

Fine  : En tout cas c'est pas les touriss qui vont mett'la viande dans not'fricot. Et pis d'ailleurs, vous avez vu comment qu'on les accueille avec ces grosses têtes de mardi gras qu'y z'ont mis au rond-point de Carnaud ? D'où c'est qu'y z'ont déniché ceux-là au moins, avec leurs figures de mordoussec ? De quoi faire dimi-tour devant.

Phrasie  : Pé oui, sûr. Y paraît que ceux-là sont tout pareils que sur l'île de Pâques. Vous voyez pas que ceux-ci viendraient nous apporter la nouvelle grippe de là-bas avec eux ?

Odeurs de poesson

Fine  : Remarquez, y en a y sont jamais contents. C'est pas pour vous que je cause, sûr, mais l'aut'jour y avait une qui skignait dans le jouarnal à cause des odeurs de Biocéval.

Phrasie  : Qui que c'est ce Biocéval, aleurs ? Sur quel bateau qu'il est ?

Fine  : Mais c'est la Sfim que c'est, l'usine à têtes pour parler français, si vous préférez. Et ben, y z'ont espliqué comme ça que c'est la pompe qui marchait pus. Pensez un peu, une pompe qu'y z'ont mis pour aspirer leurs cochoncetés ! Probab qu'y vont revend' tous leurs odeurs dans des boîtes « air marin de Bretagne » pour les gogos en vacances. Remarquez, si on n'a pus les odeurs de poesson, on aura bientôt les odeurs de vase à la place, vu qu'y vont recreuser le port.

Phrasie  : Ah bon, y aurait espoir pour la pêche, de retour, aleurs ?

Phrasie râle encore

Fine  : Rêveuse que vous êtes, la plaisance que c'est ! Vous savez bien que bientôt on sera le Saint-Trop breton. Vous aurez pus qu'à remett' vot' bikini et vot'jupe en vichy Boussac et on dira tout de vous la nouvelle BB !

Phrasie  : Taisez-vous, que je suis déjà assez déboussolée comme ça. Tenez, pas plus tard que ce matin, moi qui avais du goût à regarder le petit train à vapeur passer sur la corniche, devant la maison des Soeurs noires, voilà que je l'ai vu, vous savez pas où ? Que je suis venue folle, du coup ? À la station-service, ma pôv ! Vous voyez un peu ! Moi que je le croyais écolo, comme on dit, spontée que j'étais : au gasoil qu'y marche ! Comment vous voulez qu'on croive le monde, après ça ?

Fine  : Faut dire que vous êtes une ralouse, aussi. Remarquez, moi je vous comprends mais y a pus beaucoup à avoir l'oeil à ces choses-là. Plus belle la vie, qu'y disent comme ça. Ceux-là savent pas comment qu'on faisait attention à tout dans not' temps. Tiens, j'ai mon arthrose qui me lance dans mon genou, à rester luguée ici que bientôt on va m'offrir une canne de vieux pour ma fête des mères, avec la hont'.

Phrasie : Gast, y a pas du quoi faire rougir sa figure. Regardez, le chef de l'Amérique, il est pas vieux et pourtant l'autre jour j'ai bien compris qu'il a dit : Yes, oui canne ! Aleurs, vous voyez...

 

Recueilli par Michel GUÉGUEN.