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CONCARNEAU

« Ousqu'elle est not'identité concarnoise ? »

Grippe A, identité nationale, nouvelles plaques d'immatriculation,
aucun sujet d'actualité n'échappe à Fine et Phrasie,
les deux commères concarnoises de Michel Guéguen.


Coiffes de Beuzec ConqPhrasie : Tiens, qu'est-ce vous tarluchez comme ça, donc, avec vot'brincou vers le ciel ? Les aiguilles neufs de l'horloge ou quoi ?

Fine : La caméra du maire que je serch ! Comme ça, si on me voit dedans, ma plus jeune qu'est partie en Afrique avec un de Tataouine par là, elle pourra regarder ma figure dans l'internet.

Phrasie : Mais, ma pôv, c'est que le sumitière de la plaisance qu'y a dedans mainant ! Si vous voulez envoyer vot'portrait, vous ferez mieux aller chez son fils à Loulou. Lui y tire tout ce qui est vieux, et en plus y pourra faire des retouches là où y a besoin.

Fine : Vous une effrontée, hein ? Comme si j'avais pas assez de beurch dans ma tête avec l'aviaire. Je crois bien que je l'ai baisée. Tout pell que je suis ici avec !

« Je comprends pus arien »

Phrasie : Mâ, moi je suis pas gênée avec celle-là. Gare un peu, la grippe machin-bénin à Conkerneau. Dans le temps y a eu l'Espagnole ousque le monde allait finir à la villa « Casa-Estoril » devant la grève des Dames ! Ça c'était la vraie grippe, oui !

Fine : Paraît que c'est au cac qu'y faudra aller mainant. Moi qu'ai pas mis les pieds là-bas depuis que c'est pus Bouvais ! C'est pas pour dire mais on a eu du goût éplucher le thon avec les coteries ! On était jeune aussi... Et voilà qu'y faut aller me faire piquer chez Bouvais. Vous savez bien que si nos anciens revenaient y partiraient maboules !

Phrasie : Capab qu'y sont d'appeler ça le « Pôle piqueturel ». A l'école du père Ribouchon, on apprenait le pôle nord et le pôle sud mais depuis qu'y z'ont mis une pancarte « pôle culturel » en haut des halles faudrait pas s'étonner. Comme ça on aura deux pôles rien que pour nous. Du coup, le réchauffement climatique passera pas par ici.

Fine : Toute façon, moi je comprends pus arien avec leurs mots à la retourne : zavez pas vu dans le journal qu'y vont faire des « cavurnes » au sumitière Lanriec ? Qu'est-ce c'est, aleurs ? Avec un nom comme ça, capab que c'est un parking souterrain qu'y vont creuser sous les tombes de nos vieux ? Chessuss, ousqu'on est rendu...

« Le reuz de l'identité nationale »

Phrasie : Et le reuz qu'y font avec leur identité nationale, comme y disent. Y savent même pas eux-mêmes ce que c'est pisqu'y nous demandent. Moi je suis identique depuis que je suis née, c'est pas ceux-là qui me feront sanger. Feraient mieux nous parler de not'vraie identité à nous.

Fine : Sûr ! Comme y dit, Ugène, « on a beau pas êt'des pisse-cologues, on sait qui's qu'on est et qui's qu'on n'est pas. » D'ailleurs, y a que regarder. Tenez, les jours de marché, celles qui regardent les pillous pour de vrai, c'est pas des Concarnoises, les aut'è font semblant. Ce qui les intéresse c'est si y a une connaisance dans le coin pour flipper. Aux halles, c'est pareil : celle qui achète du poisson pell sans voir, c'est pas une de chez nous, celle qui regarde les ouies et les oeils, c'est une vraie. Et celle qui connaît pas les rigadeaux ou les birinics c'est pas non plus quéqu'un qu'a la même identité que nous aut'.

Phrasie : Oh vouis, par exemp'! Et dans le temps, que rien qu'avec Kerflair on savait si on pouvait met'not'linge à chesser. Et les sirènes d'usines qu'on savait dire sans regarder : Tiens, voilà Marchess qu'embauche ! Voilà qu'on port chez Azéma ! Y avait que les identités concarnoises à savoir ça. Et les bonshommes, donc, qui reconnaissaient n'importe quel bateau, à peine passé le Cochon, ou de quel port venait n'importe quel matelot, rien qu'à voir sa façon de marcher ou comment qu'il était fagoté ou même à sa figure !

« La coef à ma défunte mère »

Fine : Avec tous leurs discours, on sait même pus qu'est-ce on a droit faire ou pas, pour montrer d'ousqu'on est. Regardez, ma défunte mère qu'a porté la coeff sur sa tête toute sa vie. Vous voyez pas qu'on lui aurait fait enlever, à cause que c'est un signe ostensoir, comme y disent ? Et ma grand-tante qu'avait perdu son homme en 18 et qui portait un grand voile noir devant sa figure, tout pareil que les chadoks qu'on veut empêcher. Vous voyez pas qu'on leur aurait dit qu'è z'étaient pas de chez nous ! Un coup à les envoyer tout droit en haut du Grand-chemin !

Phrasie : Montrer qu'on est Français, qu'y disent. Aleurs, pourquoi qu'y nous ont remplacé nos francs par des zeuros qu'on sait pus compter avec eux ? Et les voitures, qu'on avait droit à un PV si on mettait pas un F avant de passer la frontière, mainant on peut même pus faire la devinette avec les zuméros des départements vu qu'on peut pus les lire. Au moins, quand on faisait un grand voyage, même des fois jusqu'à Nantes, on avait du goût rencontrer des 29, même qu'on se faisait un coucou en passant. Avec leurs plaques niou-louk, tout le monde sont des étrangers. C'est pas comme ça, sûr qu'on se sentira de la même identité.

Fine : M'en parlez pas ! Regardez, la Marseillaise. De not temps, on nous la faisait chanter pour le certificat d'études et les vieux pleuraient en l'entendant le 11 novemb'que ça nous faisait des kikilazics dans tout le dos. Mainant c'est les supportairs, qui vont la brailler dans les stades fotball, que ça excite le monde cont'les aut'. Si c'est pas triss !

Phrasie : Tournez pas vot sang avec ça : bientôt y aura l'identité européïenne avec eux. Bon, en attendant faut je vais gréyer mon arp pour les fêtes et acheter une ou deux lichouseries, des fois que j'aurais la visite. Aleurs, à la revoyure, qu'on causera de retour !

Michel GUÉGUEN




Coiffes anciennes de Beuzec Conq