SommaireBienvenue | Concarneau GroupesProgrammation | ReinesRétrospectives | Passé


 

.


MARIA LE PENNEC

Toute une vie, ou presque,
pour les petits filets bleus

Maria Le Pennec à 16 ans
Une ramendeuse parmi d'Autres



Issue d'une des plus vieilles familles de Concarneau, Maria était née en Ville-close à quelques mois de la première fête des Filets-Bleus. Famille de marins où les enfants poussaient leur premier cri entre sacs de filets et les odeurs de tannin, où les femmes portaient la coiffe d'artisane comme un titre de noblesse. Mais dans les foyers humbles de la rue Saint-Guénolé ou de la rue Vauban, il fallait au tôt se mettre au travail. A 14 ans, elle est déjà employée chez un armateur de la Ville-close où elle répare à longueur d'année les filets à sardines déchirés par les marsouins et les bélugas. Plus tard, elle alternera, ouvrière de conserverie l'été, ramendeuse l'hiver lorsque poisson disparaît de nos côtes pour de longs mois. La vie de la plupart des jeunes filles de l'époque, en somme.

Du Savoir-faire à la passion : Dans les années 1930, Maria propose au président des Filets-Bleus M. Moreau, de confectionner pour la fête le fameux filet porte-bonheur. Accord conclu. Avec deux autres amies, elles y passeront des heures, des jours, des mois ; découper les grandes nappes bleues en petits carrés réguliers, enfiler une vingtaines de minuscules flotteurs de liège, y fixer le noeud de ruban bleu, l'épingle de nourrice, sans oublier l'indispensable macaron découpé dans le fer blanc semblable à celui des célèbres boîtes des sardines. Même lorsque le soleil incite à profiter de la plage, les trois coteries y emportent leur matériel, levant à peine les yeux de temps à autre pour voir s'ébattre dans l'eau les enfants en vacances.

Pas de commande précise : la seule consigne était : en faire le plus possible …et même un peu plus. Elles réussiront ainsi à confectionner chacune jusqu'à 75 filets par jour. Parfois, la fille de Maria venait les aider, se spécialisant dans la confection des noeuds ou le classement par 25 des filets achevés, prêts à être livrés aux vendeurs. L'agilité des mains n'empêchait pas la bonne humeur et les « ventrées » de rires dans cette mer de mailles bleues qui envahissait l'appartement.

Le temps qui passe : Dans les années 60, le progrès, l'évolution de la pêche, allaient compliquer la tâche de Maria. Les pêcheurs de sardines se faisaient plus rares donc moins de filets à récupérer, et surtout le nylon remplaçait peu à peu le bon vieux coton souple et fin. Il fallait maintenant aller jusqu'à l'Ile -Tudy voire Douarnenez pour s'approvisionner. Maria s'était bientôt retrouvée seule à assumer sa curieuse mission de couturière de la mer. Absorbée par son travail, s'était-elle aperçu qu'elle avait déjà plus de 80 ans ? Chaque année, des milliers de pièces, toujours aussi irréprochables, continuaient à sortir de son "atelier".




Ce n'est qu'à 83 ans qu'elle acceptera de poser enfin sa navette et son aiguille ,
fière d'avoir tenu le flambeau durant plus de cinquante ans.

S'il existait un filet d'honneur, elle l'aurait bien mérité.



Michel GUEGUEN