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La pharmacie des halles


 

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Concarneau

Michel Guéguen raconte l'histoire des pharmacies

Alors que la Pharmacie de la Marine, première à s'installer à Concarneau en 1893, est menacée, l'historien Michel Guéguen revient sur l'histoire des officines locales.

Le temps des guérisseurs

Jusqu'à la fin du XIX e siècle, se soigner se résumait, pour les Concarnois, à se transmettre de mère en fille ces fameux « remèdes de bonne femme » à l'efficacité problématique. Seuls, ceux qui avaient quelque argent en poche pouvaient consulter guérisseurs et discompteurs, nombreux dans les campagnes environnantes, qui concoctaient à l'aide de « simples », des breuvages salvateurs.

Quant à l'unique médecin de la ville, on ne l'appelait que trop tard et l'on se méfiait de ses pilules et potions aux noms barbares, réservées aux bourgeois et qui d'ailleurs ne les empêchaient pas toujours de trépasser. Et puis, le mal n'était-il pas une punition divine ? Restait donc la prière...

Les épidémies

Certes, la vaccine diffusée dès 1809 par les officiers de santé avait endigué la variole mais par la suite, la ville avait payé un lourd tribut aux épidémies comme le choléra de 1832 (58 morts), laissant impuissant le célèbre docteur Dumée. Celui de 1865 (92 morts), malgré le dévouement des Docteurs Balestrié, Le Guillou et Marcus. Ou, plus récemment encore, l'épidémie de 1885 emportant 105 personnes.

C'est notamment cette dernière hécatombe qui va accélérer la prise de conscience de leurs probables causes : manque d'hygiène, promiscuité, eaux polluées... et la nécessité d'abandonner le fatalisme et d'apprendre à mieux se soigner.

Premiers médicaments

A l'aube du XXème siècle, de réels progrès concernant les conditions de vie et de santé se mettent en place : des quartiers neufs sortent de terre, les services d'eau et de ramassage des ordures s'améliorent. Le Bassin, où se déversent eaux sales et immondices, va être curé.

Grâce au Bureau de bienfaisance, à l'Assistance médicale gratuite, à la Société de prévoyance des marins, les plus démunis peuvent bénéficier de soins et médicaments à moindre coût. La population dépassant maintenant les 7 000 habitants, la municipalité réclame à cor et à cri l'envoi d'un deuxième médecin pour seconder le vieux Docteur Galzain.

La pharmacie Herland

Une vitrine d'un nouveau genre a fait son apparition depuis peu : une pharmacie ! En 1893, Louis Herland qui s'était fait connaître, huit ans auparavant, en approvisionnant la ville en produits désinfectants lors de l'épidémie, ouvre la première officine au 3 du Quai-d'Aiguillon.

Derrière les grands carreaux, on distingue des pots de faïence aux étranges inscriptions : Laudanum, Alkali, Ether acétique... De quoi inspirer inquiétude et espoir mêlés. Mais les premiers utilisateurs ont été vite rassurés. Ce moderne apothicaire prépare ses sirops et onguents devant les patients : on ne peut que lui faire confiance !

Les officines se multiplient

Presque en même temps, la Pharmacie centrale s'installe sur la Place d'Armes (devant la ville-close). Armel Montellier est un enfant du pays, fraîchement diplômé, qui aura vite, lui aussi, une clientèle attitrée. En 1896, c'est Pierre Lainé qui achète à Mme Sergent une maison place de la Mairie (actuelle place Charles-de-Gaulle), face à l'école communale. Un bon emplacement, surtout les jours de marché, et le nouveau venu plaît aux enfants grâce à ses boules de gomme parfumées.

Trois médecins

En 1900, le corps médical comprend les trois médecins Lucas, Bietrix et Le Jollet et trois pharmaciens : Montellier, Bertin qui a remplacé Herland et Coeff qui succède à Lainé. Ce n'est pas trop pour une population de près de 8 000 âmes sans compter Lanriec et les faubourgs de Beuzec. Puis viendra s'installer, presque en face de la Petite Gare, au 17 du Quai-d'Aiguillon, un fils de pêcheur, Julien Rien, auquel succédera, en 1920, André Carrière.

D'hier à aujourd'hui

Avec les années, les autres officines ont aussi changé de propriétaire. La Pharmacie centrale sera successivement tenue par Louis Deymarie, Émile Rézé, puis Mlle Hamon à partir de 1920. En 1905, c'est Joseph Le Noëne, venu de Caen, qui tient celle de la place de la Mairie, tandis que Louis Mocudé prend en main les destinées de la vieille pharmacie Herland qu'il rebaptise Pharmacie de la Marine histoire d'attirer les... touristes.

Sirops et élixirs

En plus de ses classiques sirops pour la coqueluche et autres élixirs anti-calvitie, il s'est spécialisé dans les produits et plaques photographiques de grandes marques ! Plus tard, en 1924, « la Marine » deviendra le domaine de Pierre Grall, un montagnard venu de La Feuillée.

D'autres noms encore viendront s'ajouter aux vieilles enseignes, ainsi Joseph Le Diraison, Louis Le Crane et son fameux préparateur « Pierrot-la-Pilule » puis d'autres encore, sans oublier les herboristeries comme celle de Mme Tanguy-Grolleau ou de Mlle Jaouen qui sentaient si bon l'eucalyptus et le tilleul.

Neuf officines

Aujourd'hui, neuf pharmacies se partagent les patients concarnois. Les préparateurs ont rangé mortiers et fioles colorées. Les plaques au bromure d'argent ont laissé la place aux rayons de cosmétiques, de dentifrices, voire de préservatifs. La pharmacie aussi a dû s'adapter aux nouveaux modes de vie.

Michel GUÉGUEN.