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La Revue Française Politique et Littéraire

N° de 1911

La Fête des FILETS-BLEUS à Concarneau

La sardine est capricieuse sur les côtes bretonnes. Elle déserte le plus souvent et la pêche est alors vaine ; les barques rentrent vides dans le port désolé ; la gène s’assied au foyer du marin. D’autres fois, elle accourt au contraire avec une abondance telle qu’elle nous amène sans tarder à la mévente la plus désastreuse. Mais vaches grasses ou vaches maigres, les résultats ne varient guère avec les années.

L’œuvre des Filets Bleus, à Concarneau, s’est donné pour mission d’enrayer cette misère endémique. Le produit net de la fête qu’elle organise chaque année au mois d’août sert à donner l’assistance médicale et pharmaceutique à plus de 4 000 marins. Une large subvention est versée en même temps au bureau de bienfaisance de la ville et les caisses philanthropiques ont reçu de ce chef, l’année dernière, une somme de huit mille francs. Enfin, la cinquième partie de la recette constitue un fond de réserve destiné à fonder un nouveau fourneau économique, plus tard, dès qu’on le pourra. Et par là, la disette des pêcheurs est, chaque fois, autant que possible, atténuée.

Cette fête annuelle on la célèbre aujourd’hui dimanche, pour la sixième fois depuis que l’œuvre est légalement constituée. Pardon, kermesse, assemblée, foire, fête mandarine ou fête populaire, elle est tout cela à la fois, et elle est mieux encore puisqu’un si beau souffle de charité l’anime, et que la ville tout entière y concourt, fonctionnaire, bourgeois, artisans et commerçants.

Et quel titre merveilleusement choisi pour assurer sa fortune et développer son succès ! Le filet est l’arme du sardinier breton, comme la senne est l’outil du pêcheur  provençal. Et c’est aussi son seul gagne-pain pendant l’été puisqu’il lui est indispensable pour la seule pêche de cette saison, qui est la pêche de la sardine. Un filets spécial en forme de rectangle, d’une grande finesse de mailles, long de 40 mètres environ et haut d’une quinzaine de mètres. Pour servir en pêche, il doit être suspendu verticalement dans l’eau ; on le maintient au-dessus des vagues par une ralingue garnie de flotteurs de liège, et on le tire en dessous vers le fond par une autre ralingue munie de plombs dont le poids assure la verticale. Les mailles sont de tailles différentes selon le moule de la sardine et les pêcheurs sont obligés d’en embarquer tout un jeu à leur bord, pour l’utiliser selon la grosseur du poisson qu’ils pourront rencontrer.

Le filet des marins de Concarneau est teint de la jolie couleur « bleu tendre » qui est la couleur de l’eau de mer. Car tout est bleu dans cette perle de l’Océan, entre le ciel flamboyant et la mer charmeresse. Depuis les bérets bleus des pêcheurs jusqu’aux reflets bleus des poisons, tout ici est couleur d’azur : dans le bourg, les yeux des frileuses alertes et gamines trottant menu dans leurs petits sabots qui claquent d’un coup sec et décidé sur le sol ; dans le port, la forêt innombrable  des mâts le long desquels se balancent ces filets qui flottent par milliers au gros vent ou sèchent à la bonne chaleur du soleil.

Le fondateur de la Fête des Filets Bleus a été le baron Loïc de Combourg. Mais son véritable organisateur et son parrain est le barde Jos. Parker. Parker, qui peint les toiles d’un dessin vigoureux et qui écrit des vers d’une jolie forme, tels ces « Chemins bretons » qu’a popularisé Yahne d’Armor avec un charme infini.

Ce barde est un bon peintre et un bon poète, et qui mieux est un bon Breton. Il habite, sans infidélité, depuis cinquante ans qu’il est sur terre, la jolie petite ville de Fouesnant, tapie au milieu de la végétation la plus extraordinairement luxuriante, dans l’échancrure sinueuse de la baie de La Forêt. Jos. Parker eut, à l’origine, pour camarades, dans la direction de « sa » fête, outre le baron de Cambourg, déjà nommé, le peintre Habert, le pharmacien Montellier, l’industriel Bonduel, le maire Billette et le poète montmartrois Larrieu.

La fête est maintenant confiée au zèle infatigable d’un comité que préside le peintre Le Gout-Gérard et dans lequel figurent, à côté de MM. De Cambourg et Larrieu, l’imprimeur Le Tendre, qui en est le secrétaire actif et dévoué, les docteurs Lucas et Dubois, M. Leguinier, juge de paix et M. De Ménorval administrateur du Château de Kériolet.

Et le temps a marché depuis qu’en 1905 elle prenait timidement son élan, si bien qu’a présent elle jouit d’une universelle renommée. Chaque année qui vient augmente son succès. Il n’est pas un coin de Bretagne où l’on n’en parle et d’où l’on y vienne, et elle reçoit des foules, toujours grandissantes, de voyageurs les plus lointains.

Pourquoi cette attraction particulière, alors que tant de réjouissances à jour fixe ont surgi de toutes parts sur la terre bretonne, attire et continue d’attirer les foules… ?

Pour le savoir, passez donc par Concarneau
le jour de la Fête des Filets Bleus !