« VA, PETIT FILET BLEU,
MATELOTS JOYEUX, PETIT FILET BLEU... »
L'origine
de la Fête des Filets-Bleus, première kermesse folklorique
de charité née en Bretagne en 1905, est aujourd'hui
connue de tous. Plongée dans la misère depuis des années,
par suite du manque de pêche, Concarneau s'était tournée
vers les vacanciers plus aisés.
Depuis bientôt un siècle,
le renom de la fête n'a fait que croître. Aujourd'hui,
elle reste l'un des fleurons des étés bretons. Né
presque en même temps, le « petit filet bleu »,
symbole de la fête, est lui aussi quasi centenaire.
Un
souvenir au goût de sel : Peu de temps après
la création de la fête, quelques membres du comité
lancèrent l'idée d'un souvenir original qui ferait connaître
le nom de Concarneau à travers toute la France. Quoi de plus
représentatif qu'un filet miniature semblable à ceux
des pêcheurs de sardines ? L'idée fit son chemin.
La
matière première ne manquait pas et les vieux filets
devenus trop fragiles pour être embarqués trouvèrent
là une nouvelle jeunesse. Renouvelant l'antique parabole, un
filet se transformait en des centaines d'autres que les visiteurs,
moyennant quelques centimes, pouvaient arborer fièrement le
jour de la fête.
Le "petit filet bleu" était
né. Chacun le portait à sa guise, qui à sa boutonnière,
qui épinglé à son corsage. Geste de solidarité
que la publicité encourageait : « acheter le petit filet
bleu, c'est faire acte d'humanité et de patriotisme »!
C'était surtout aider modestement à soulager des misères.
Seule
ombre au tableau, ce filet qui faisait fureur concurrençait
ceux mis en vente dans les magasins de la ville mais non « labellisés
». Le véritable filet-souvenir était, en effet
garni d'un macaron de métal portant sur l'une de ses faces
les armes de la ville et sur l'autre une reproduction de l'affiche
de la fête et le comité entendait avoir l'exclusivité de ce produit garanti concarnois.
Les commerçants concernés
voyaient rouge et fustigeaient les organisateurs : « Si ces
requins capitalistes veulent faire le bien, qu'ils commencent par
payer le mille de sardines un peu plus cher afin de permettre aux
pêcheurs de manger à leur faim ! ». L'affaire fera
long feu.
Démodé ? Jamais ! Le succès des filets concarnois fut immédiat.
Une aubaine pour les enfants qui, par dizaines, se chargeaient de
la vente un petit pourcentage. C'était à qui en vendrait
le plus et chacun cachait sa stratégie et ses points de vente
favoris pour mobiliser son petit commerce. Tous les Concarnois se
souviennent sans doute de ce retraité d'un âge déjà
mûr qui, chaque année revêtait chapeau de velours
et bragou-bras pour mieux attirer la clientèle tout au long
du défilé. Le résultat était à
la hauteur de ses efforts et les photographes s'en donnaient à coeur joie.
Alors
que passeront, éphémères, la mode des
porte-clés, des badges et autres pin's, le Petit Filet Bleu
continuera de susciter, à travers les générations,
le même engouement. Curieusement même, l'essor de l'automobile
sera l'un des atouts de cette tenace image de marque concarnoise.
Au retour de vacances, chacun emporte désormais, accroché
à son rétroviseur, ce souvenir d'un été
au pays des pêcheurs de sardines. Le seul moyen, dit-on pour
faire retrouver le sourire aux Parisiens rentrés chez eux.
Apercevant une voiture ainsi ornée, beaucoup se souviennent
: « Tiens, encore quelqu'un qui
connaît Concarneau ! »
La
tradition demeure : aujourd'hui encore vous rencontrerez
dans les rues de Concarneau de jeunes vendeurs vous proposant le fameux
filet, tout semblable à celui créé il y a cent
ans. En l'achetant, c'est un peu de l'histoire de notre cité
que vous partagerez, un peu de son amitié aussi. D'aucun
disent même que le petit filet bleu est un porte-bonheur…Mais
hâtez-vous les stocks ne sont pas inépuisables. Alors
: Vivent les Filets Bleus !
Michel
GUEGUEN