Un livre sur les costumes, pour que se révèlent les contrastes
entre marins et paysans d`une population bretonne sur plus de 2 siècles
Costume et Société
Le monde de Douarnenez, Ploaré vu à travers ses modes vestimentaires
Les
costumes bretons : La Bretagne regorge de trésors
culturels, capable de calmer les ardeurs des plus acharnés,
qui cherchent les connaissances sur la société traditionnelle.
Parmi ces thèmes à découvrir, celui concernant
le costume breton tient une bonne place. Avec ses 66 modes importantes
recensées par R.Y. Creston dans les années 30, on se
rend compte facilement de la complexité des recherches. La
mode «Giz fouen » par exemple, en usage dans la campagne
de Concarneau s'étend sur 33 communes avec presque en autant
de variantes. De plus celles-ci subirent des évolutions qui
les ont remodelé régulièrement. Cela montre l'importance
de la tâche à entreprendre pour en faire le tour de façon
exhaustive. Cela ne tient pas compte de l'âge ou des circonstances
de la vie, qui entraînèrent aussi des modifications vestimentaires
à chaque époque.
Autant
dire que parler « du » costume breton
comme je viens de
le faire plus haut,
n'a que peut de sens et cache une complexe réalité.
En fait un costume n'est pas breton,
il est avant tout celui d'un
individu, d'une mode,
d'une commune ou d'une paroisse bretonne.
Témoins
des hommes : S'intéresser aux costumes bretons, c'est
souvent simplifier son regard, et papillonner d'une mode à
l'autre. Cela est fort agréable, délassant ou dépaysant.
Cela peut permettre de s'imprégner de l'essence du passé
ou plutôt de l'essence esthétique de ce passé.
Car très vite, comme le délicat insecte est attiré
la nuit par la clarté de la flamme, nous avons le regard attiré
par ces broderies ou cortèges de perles dévalant, des
longues jupes et des manches de velours sombre, qui brillent au soleil.
Les simples costumes en drap sans décor se retrouvent à
nos veux relégués aux fonds de la scène du passé. Ils sont
pourtant les témoins de ces populations agricoles , maritimes
et ouvrières. Par les usures, raccommodages, différences
de coupe, choix des matériaux. ils sont les anciens acteurs
de la vie quotidienne, et pas seulement de ceux exceptionnelle, de
l'apparat.
Pour
connaître les costumes, il faut connaître les
gens, pour connaître les gens, il faut étudier - leur costumes.
De nombreux trésors de connaissances sont là. Parfois
la comparaison avec notre époque, où nous ajustons nos
vêtements pour donner une image de soit fut-elle fausse, n'est
pas très éloignée.
Pour connaître
les mentalités secrètes ou officielles, les
rapports sociaux et leurs variations. l'évolution des codes,
du beau, l'arrivée de la connaissance des autres et sur les
autres, il ne faut pas s'égarer sur plusieurs modes. Il faut
mettre son énergie pour suivre une seule population à
travers ses péripéties, et sur le long chemin du temps.
Simple drap et riches broderies retrouvent alors tout leur sens.
Si
le 1er titre indique des généralités à
découvrir, le sous titre nous amène à une localisation
spécifique de notre voyage. Celui ci se fait dans le temps.
D'une approche des origines, à la disparition progressive ou
brutale selon le costume, en passant par le 18e°" siècle,
déjà prometteur et pourtant peut étudié.
Nous aurons la vision qu'avait un groupe humain en Bretagne sur lui
même et sur le regard que lui portaient ses voisins. En
effet, au travers de nombreuses recherches, inédites dans leurs
formes comme dans leurs résultats, revivent 2 modes de vies,
en parallèle sur un même territoire. Les
usages sont dictés par i'enracinement et le sens de la hiérarchie
ancestrale du monde rural ou harmonisé dans la collectivité
maritime et ouvrière, refusant de faire une grande différence
entre une simple employée et une commerçante aisée.
Marins et paysans révèlent la variété
du comportement humain, parfois proche ou opposé, s«inf7uençant
ou semblant s'ignorer.
A la lecture
de ce livre, les analyses peuvent être transposées
aux autres modes vestimentaires bretonnes. Elles deviennent donc avec
les subtilités locales, des généralités.
Celles-ci retrouvent alors leur vrai rôle, tout comme les costumes
: aider à la compréhension de la population d'hier,
sans bouder notre plaisir de la découverte esthétique
des vêtements anciens.
Françoise
Jouin - " Dans son superbe livre sur le costume
et la coiffe douarnenistes, Jean-Pierre Gonidec fait oeuvre de sociologue.
C'est la société qu'il passe au crible, à travers les modes vestimentaires.
Là, le costume de paysanne, là celui de l'ouvrière d'usine, les différences
qui se gomment entre bourgeoisie et petites gens dans l'aspect général
de l'habit. «C'est l'étoffe qui fait la différence...». Plus qu'inventaire,
l'auteur a voulu retracer l'histoire de la ville, sous un angle nouveau,
en allant à la rencontre de tous ceux qui ont porté le costume où
qui l'ont vu porter chez eux. Une recherche qu'il a débuté en 1989.
Recherche dans les livres, dans les archives du musée breton de Quimper,
celui où il est ébéniste, mais aussi par le biais d'interviews. «C'est
le meilleur moyen de tout savoir sur le costume et le port de la coiffe».
Il a posé des questions pour savoir à quel moment le cheveu est devenu
apparent. A quelle période la jupe s'est raccourcie, pourquoi le costume
de la paysanne (Ploaré) a souvent pris le pas sur celui de la ville
?
Les
femmes sensibles à la mode : Des questions qui sont souvent restées
sans réponses. «En fait, au cours de ces rencontres, j'ai trouvé les
gens plus que le costume. Le livre raconte leurs histoires, les querelles
entre mère et fille sur la façon de porter la coiffe, sur la façon
dont elles adaptaient le costume au quotidien». Et Jean-Pierre Gonidec
d'expliquer que l'abandon du costume et de la coiffe ne s'est pas
fait dans la douleur, contrairement aux idées reçues. «Certains historiens,
intellectuels du début du siècle, se sont émus que la coutume, que
la tradition disparaissait avec l'abandon du costume, de la coiffe,
ou les nouvelles façons de les porter. C'est exagéré. Toute société
évolue et ici comme ailleurs, les femmes étaient sensibles à la mode».
Celle des grandes villes occidentales : Paris, Londres... D'ailleurs,
certaines étoffes, certains motifs de châles, n'ont rien à voir avec
la Bretagne, ce sont juste des effets de mode. Et puis, à un moment
donné, il a bien fallu adapter le costume aux rythmes de vie. C'est
comme cela que les ouvrières douarnenistes ont longtemps gardé la
coiffe sur les cheveux, parce que dans leur travail, c'était plus
pratique. Ailleurs, les cheveux se sont libérés plus rapidement."
Françoise
Jouin
Ce livre, édité par Coop Breizh est tout bonnement passionnant.
On y apprend quantité de choses sur la société, les moeurs, les rapports
de classes.
Jean-Pierre
Gonidec
Mai 2003