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LES DERNIERES COIFFES

coiffe de concarneauLa fête des Filets Bleus bat son plein. Différente chaque année, elle demeure pour l’essentiel le type même de la fête folklorique. N’en est-elle d’ailleurs pas l’ancêtre, en Bretagne, puisque fondée en 1905 ?

Pour quelques heures, surgissent aux yeux émerveillés des estivants, velours, rubans et broderies, coiffes de dentelle et chapeaux « à guides ».

Mais, au fait, combien sont-elles les Concarnoises qui mettent encore le costume traditionnel du pays ? Voilà bien longtemps que robes de draps et de velours ont disparu.

Quant aux coiffes…Avant de répondre, rappelons-nous qu’il en existait en réalité plusieurs types aux environs de Concarneau : celles aux grandes ailes empesées que l’on assortissait d’un col tuyauté pour les fêtes et qui étaient surtout celles des femmes de la campagne, de Beuzec et de Lanriec, et celles  toutes discrètes, constituées d’un bonnet de filet, qui distinguaient les Concarnoises de la ville et surtout celles travaillant dans les friteries de sardines.

Coiffe de ConcarneauDes premières, vous en rencontrerez encore au détour d’un chemin de ferme ou lors des cérémonies religieuses. Elles sont une vingtaine sur l’ensemble de la commune. Jadis chaque vendredi les voyait se rassembler par centaines sur la place du marché…

Quant aux « Penn-sardin » portant le petit bonnet brodé, elles ne sont plus que… trois, à tenir le flambeau. Elles ont nom : Marie, Adèle, Rosalie. Toutes trois ont dépassé les quatre-vingt printemps mais il ne faudrait pas croire que pour autant elles engendrent la mélancolie. Peut-être, après tout, est-ce cette coiffe de leur jeunesse qui leur garde l’esprit si enjoué.

Marie a passé presque toute sa vie au cœur de notre cité, dans la « Ville Close ». Voilà soixante-dix sept ans qu’elle mettait une coiffe brodée pour la première fois, un peu honteuse et fière pourtant d’être désormais parmi les « grandes ». Depuis elle en a souvent changé mais ne l’a jamais abandonnée.

Un jour, elle faillit bien y renoncer. C’était en 1944. Il avait fallu quitter la ville à la hâte et Marie fut prise sous un tel orage que sa coiffe était toute « fliquée ». Son amie décida du coup d’aller sur-le-champ se faire couper les cheveux et acheter un chapeau. Marie hésita mais réfléchit : « Un chapeau ! Pour qui que vous vous prenez donc ? Sûrement qu’une fille de pêcheur ne met pas un chapeau, comme une madame ! »

Coiffe de ConcarneauLes jours de fête elle sort encore son magnifique bonnet « en araignée »au fil ténu et finement décoré qui fait bien des envieux.

Adèle est aussi une fille de la Ville Close où elle exerça de longues années le rôle de « commise » dans une conserverie. Sauf le jour de sa communion où elle était vêtue, comme le voulait la tradition, du costume de dentelle blanche et de la « cornette » semblable à celle de la reine des Filets Bleus, elle a toujours fièrement porté le bonnet d’artisane.

Combien en a -t-elle brodés dans sa vie ! C’était à qui aurait les plus jolis motifs. On se prêtait, entre amies, des modèles que l’on reproduisait avec quelques variantes pour personnaliser sa coiffe.

Autrefois, raconte Adèle, la coiffe était portée par les toute les ouvrières de Concarneau et il ne faisait pas bon se montrer aux autres avec une dentelle froissée ou savetée car l’on se faisait vite rappeler à l’ordre : « vot’ cœff est toute consommée ma pôv ! avec la honte »  Aujourd’hui le filet et les lacets sont quasi introuvables mais Adèle ne se lève pas un matin sans aussitôt se parer d’une coiffe toujours impeccable et amidonnée.

Du coin de sa fenêtre, Rosalie regarde s’écouler le flot des passants. Elle sourit des mini-jupes et des cheveux crêpés : « sûr que c’est pas les jeunes qui mettraient une cœff maintenant. C’est trop d’embarras ! Nous, on a mal aux bras mais on continue quand même ! » Mais pour rien au monde, Rosalie n’abandonnerait sa parure de filet blanc.

Elle rit de bon cœur en concluant : « si un jour j’allais au ciel sans ma cœff, mon vieux ne me reconnaîtrait pas ! »

Voilà quelques années, elles étaient une douzaine. Elles ne sont plus que trois, les dernières, fidèles à cet élément plus important qu’il n’y paraît d’une identité, signe distinctif d’une communauté dont les membres veulent se reconnaître et se sentir solidaires.



Marie, Adèle, Rosalie, vous méritez bien un coup de … Chapeau !


Michel Guéguen