En
un siècle, la fête des Filets Bleus est devenue un
festival. Bien ancrée dans la tradition, elle
s'est ouverte aux groupes actuels et à l'esprit de fête
qui domine la musique celtique. Tous les ans, l'avant dernier
dimanche du mois d'août, entre la mer et les vieilles pierres
de la Ville Close, les Filets Bleus vont à nouveau se déployer
sur le port, dans un tourbillon de danses, de costumes et de musiques.
Au
début, il y avait un port. Un petit peuple de
marins qui vivaient entassés dans les ruelles de la Ville
Close et du faubourg. L'été, des centaines de barques
sortaient dans la baie travailler la sardine. L'hiver, on mangeait
les dites sardines. Les femmes bossaient à l'usine, les
gosses traînaient dans les rues jusqu'à l'âge
d'embarquer, vers 12 ans. Et puis, au début du siècle,
la sardine a disparu. On ne sait pas trop pourquoi. Et le monde
s'est effondré. Le peuple de Concarneau est passé
d'un coup de la survie à la misère noire.
De
bonnes âmes, artistes en villégiature, poètes
renommés, se sont émues de ce début de famine.
Elles ont lancé l'idée de la Fête des Filets
Bleus, l'une des toutes premières fêtes " folkloriques
" bretonnes. Les autorités, qui craignaient fort les
sautes d'humeur des matelots au ventre vide, ont encouragé l'initiative.
Ainsi est née la fête, en 1905. Une petite kermesse
de bienfaisance au fond de la Ville Close, avec une reine, trois
musiciens et quelques stands. Pourtant, un siècle plus
tard, cette fête dure encore.
Evidemment,
le but n'est plus de porter secours aux familles de marins affamées.
Mais cette histoire explique pourquoi les Concarnois sont tant
attachés à " leur " fête. Elle existait
bien avant l'arrivée des touristes, elle est liée
à la mer, à ses caprices, bref, à ce qui
toujours a fait le quotidien du port. Pour avoir la preuve de
cet attachement, il suffit de regarder le défilé
le dimanche : des dizaines d'habitants individuels y participent,
la plus part avec un costume récupéré dans
leur famille. Les Concarnois ouvrent un cortège de 1200
musiciens et danseurs, venus de toute la Basse-Bretagne, mais
aussi du Pays Gallo. Ils encadrent le char de la reine.
Curieusement,
cette tradition un peu désuète de l'élection
de la reine remporte depuis quelques années un succès
fou. Les jeunes filles ont désormais de véritables
fans-clubs, bande de copains en casquettes de rappeurs qui viennent
acclamer les élues en coiffes, avec banderoles à
l'appui. Le char des petites sardinières, qui chantent
en cur des chansons d'usine, se taille aussi toujours un
beau succès.
L'organisatrice
de cette fête, c'est Marylène Colin. Un petit
bout de femme qui navigue entre son boulot, sa petite fille, et
une activité sans relâche pour la culture bretonne.
Quand elle a pris la barre des Filets-Bleus il y a trois ans,
la fête s'encroûtait. Avec l'aide de Yann Cariou,
penn-sonneur du Bagad Konk Kerne et musicien réputé
en Bretagne, elle a fait le pari de faire de cette fête
folklorique, un festival populaire, ouvert aux musiques d'aujourd'hui
et aux autre pays celtes.
C'est pourquoi la journée du
dimanche, essentiellement tournée vers la tradition avec
le défilé, le spectacle des cercles et des bagadoù,
le triomphe des sonneurs, est précédée de
trois jours de fiesta plus décontractée : poissonnade
accompagnée de chants de marins le jeudi 15 août,
avec l'excellent groupe Cap-Horn (ancien Tonnerre de Brest), la
Rolls du chant de marins ; soirée de musique celtique et
irlandaise le vendredi 16 (Boxty, The Churchfitters, The Silencers)
; une nuit bleue avec une création, " Celtie en Harmonie
" (35 musiciens) et les Quatre Jean le samedi 17. Musique
d'aujourd'hui aussi le dimanche soir avec le concert de Crossroads,
un groupe qui réunit des musiciens bretons et australiens,
avant de finir le festival par un feu d'artifice.
A noter que
les soirées de concert et de fest-noz sont gratuites. Il
n'y a donc aucune raison de ne pas venir du 15 au 18 août,
faire une belle fête à la concarnoise.