Depuis 1903 la sardine a fui les côtes de Bretagne. Les filets, même teints en bleu, restent vides. Le pain se vend à crédit et des familles entières essayent de quitter le pays. La misère est à demeure et nul ne sait pour combien de temps. Le 6 août 1905, Botrel lance à Pont-Aven son pardon des Fleurs d'Ajonc. Reprenant l'idée, l'usinier Billette de Villeroche, qui est aussi Maire de Concarneau, persuade quelques amis d'organiser avant la fin de la saison une fête de bienfaisance dont le bénéfice irait aux familles pauvres de marins.

Le peintre Habert, le décorateur de l'hôtel de ville de Neuilly, accepte la présidence, avec l'aide du poète Jos Parker qui suggère le nom de "fête des Filets Bleus", et du baron de Cambourg, le propriétaire de l'Hôtel de Cornouaille.

Le 10 septembre, tout Concarneau se retrouve sur la Place d'Armes pour un spectacle qui surprendrait aujourd'hui les partisans de la culture bretonne. Quelques binious attirent certes les curieux vers la grande tente du Théâtre Casti, gracieusement mis à la disposition du comité ; mais l'ouverture est donnée par la fanfare municipale, puis le "trio Montmartrois" interprète la chanson de la fête avant de laisser place au poète Paban et Parker. Après l'entracte, "Jean-Marie" drame en un acte et en vers d'André Theuriet, est dignement représenté par le Président Habert, Henri Bonduel et Mademoiselle Derigny, de l'Odéon de Paris.

Le crachin est venu contrarier le concours de costumes bretons. Les sardinières ont choisi leur Reine, Pauline Baccon que l'on a fait monter dans un char en forme de barque ornée de bouquets de bruyères roses. On a tiré quelques coups de fusil comme pour une noce et le vieux Merrien, empêtré dans sa capote ciré, a eu du mal à retenir les chevaux. Promenade sur les quais puis grand bal sous les halles. Il ne restera plus qu'à tirer la tombola, alimentée en tableaux, pastels, sculptures par tous les artistes qui fréquentent Concarneau.

La fête a été réussie !

" le bureau de bienfaisance pourra continuer à distribuer du pain".