SommaireBienvenue | Concarneau Groupes Programmation | ReinesRétrospectives | Passé

sardinieres


 

 


ET L'ON HISSA
LES FILETS BLEUS !

OUTILS DE TRAVAIL ÉLEVÉ AU RANG DE SYMBOLE : LES FILETS BLEUS !

Un jour de 1905, un poète du nom de Jos Parker eut l'heureuse idée de baptiser de ce joli nom une modeste fête de charité concarnoise. Depuis, le nom de la ville et celui de la fête sont tellement liés qu'en évoquant ces Filets Bleus on en oublie presque aujourd'hui l'engin aux fines mailles pour ne se souvenir que de la ville enrubannée, vibrante de musique un matin d'été. Mais au fait pourquoi bleus ces filets ?

La sardine, raison de vivre

Il n'est pas exagéré de dire que sans la sardine Concarneau n'aurait peut-être jamais existé. Au mieux serait-elle restée ce hameau qui, à l'origine, se serrait sur cet îlot devenu Ville-Close. Son nom n'aurait pas franchi comme aujourd'hui mers et continents.

Jusqu'au milieu de ce siècle, Concarneau fut en effet
l'un des plus grands centres mondiaux pour la pèche à la sardine.

macaron des filets bleus

Chaque été, la flottille de centaines de chaloupes reprenait la mer, chacune traînant derrière elle une nappe de filet tenue bien droite dans l'eau. On y attirait le poisson en jetant autour ces œufs de morue appelés "rogue". Prise par les ouies, la sardine était remontée à bord, démaillée encore vivante et dirigée vers les "sardineries" où les femmes la travaillait aussitôt. Sardines pressées, sardines séchées, puis à partir de 1860, sardines en conserve: seule ressource d'une population entière, seule ressource …qui ne tenait qu'à un fil, celui de ces filets si précieux qu'on en prenait un soin quasi religieux.

Seule fortune du pécheur

Une dizaine, une vingtaine de filets, c'était souvent le seul bien du matelot. Car si la pêche apportait l'aisance à quelques armateurs, la part revenant au marin ne lui permettait qu'à peine de faire vivre sa famille au jour le jour. Comme le maçon apportait sa truelle et son marteau sur le chantier, le pêcheur embarquait avec ses propres filets. Mais malheur à l'équipage qui rencontrait en mer le "maigre" ou "grand poisson", un marsouin chassant la sardine et qui fonçait, gueule ouverte, dans les bancs de poissons rassemblés autour des filets. Dans son élan, il déchirait la nappe fragile, anéantissant pêche et outil.

Jadis, ces filets étaient de chanvre ou de lin, lacés à la main. Très tôt, les fillettes apprenaient ce travail et, pour quelques sous, étaient employées dans des ouvroirs ou de petits ateliers.


sardiniers

Entassés au fond du bateau sans pont, imprégnés d'eau de mer, ces filets auraient vite pourri si on ne les avait pas préservés efficacement. Pour éviter de les laisser croupir, on les hissait la pêche du jour finie, au haut des mâts et l'hivers, on les entreposait dans des grenier aérés. Mais le procédé le plus sûr que l'on utilisait depuis des générations était la tannée. Macérés pendant 36 heures dans une décoction d'écorce de chêne  ou de bouleau, les filets devenaient bruns sombres, imprégnés par ce tannin qui devait les empêcher de pourrir. Procédé archaïque et insuffisant: en deux ou trois saisons , le fil partait en lambeau au premier effort. On préféra donc le cachou indien aux effets beaucoup plus durables. Si l'on prenait soin de renouveler l'opération chaque année, le matériel pouvait durer quatre à cinq saisons.

Vers 1860 apparaissaient en France les filets "à la mécanique" plus solides, plus réguliers et moins coûteux mais les Bretons ne se laissent convaincre qu'avec réticences. La première filature mécanique ne verra le jour que 10 ans plus tard. Utilisé en Ecosse depuis 1854, le coton d'Egypte puis d'Amérique ne tardera pas à détrôner les textiles traditionnels car il permet de tisser des filets beaucoup plus "pêchant". Seul inconvénient: ils craignent encore plus l'humidité. grâce à un mélange d'huile de lin ou de pin et de cachou, la parade est trouvée. Petit à petit les légers filets de coton bruns remplacent les lourdes nappes de chanvre.


pêcheurs de sardines

Bleus comme la mer

Lors de l'Exposition Universelle de 1861, trois patrons de pêche français se rendent en délégation à Amsterdam: l'un de Boulogne, un autre de Dieppe. Etienne Guillou, armateur et pilote de Concarneau, dont l'intérêt pour les progrès de la pêche est bien connu, est le troisième. Observant les innovations présentées sur les centaines de stands, assistant aux conférences de spécialistes, il est surtout impressionné par un nouveau procédé de tannage de filets de coton, présenté par les marins de Dieppe. Leurs filets à hareng ne sont pas bruns ou roux comme les autres mais d'un bleu un peu verdâtre, couleur de la mer. Ainsi traités ces filets se conservent nettement mieux et, devenus invisibles dans l'eau, prennent beaucoup plus de poissons. Il suffit de remplacer la tannée par du sulfate de cuivre. Si cette façon de faire est valable pour le hareng, pourquoi ne le serait-elle pas valable pour la sardine? Peut -on attribuer au pilote Concarnois, revenu déduit par cette nouveauté, l'usage de teinter de bleu les filets de nos chaloupes? La chose n'aurait rien d'étonnant quand on connaît son influence auprès de pêcheurs. Dans les années 1880, les fines dentelles aux nuances de bleu ont remplacé les austères bannières brunes.

La pêche en devint meilleure…
Sur les toiles des artistes, les pastels des filets
répondaient désormais aux indigo de la mer.

Les Filets Bleus devenaient l'image de Concarneau...