Chapitre rétrospectives 1. De dix en dix
1905 Au théâtre 1915 Une journée du Finistère 1925 L'usine Rodel 1935 La Duchesse des Bretons 1945 A défaut de fête 1955 Charles Linement veut 1965 Fance Gall embrasse la Reine 1975 L'année des parapluies 1985 Le grand changement
2. Les Filets Bleus en 1905
Une fête se penche sur son passé La famine sur les côtes bretonnes Une drôle de monnaie Au village des commises
3. Les Filets Bleus en 1906
La Fête de 1906 Le Fémina de 1906 Le Petit Jounal 1906
4. Les Filets Bleus en 1920
Comme si vous y étiez Qui était le sculpteur ? Miroir du Monde 1930 Miroir du Monde 1931 Les Filets Bleus 1937 Les Filets Bleus 1937 suite Concarneau 1947 - Ville des Peintres Catalogue expo peintures 1947 La pêche vers 1940 L'équipage
5. Les Filets Bleus en 1946
Présentation de la fête de 1946
6. Les Filets Bleus en 1957
Le programme de 1957 Petite Micheline CC 3237
7. Les Filets Bleus 1976
La Fête de 1976
8. Les Filets Bleus en 1989
La Fête de 1989
9. La fête
La Reine des sardinières Ils fondèrent les Filets Bleus Au temps ou la sardine était pressée Le Roi des Papegaut Concarneau ville miracle 95 ans en 2000 Pourquoi les Filets Bleus Première fête des Filets Bleus A l'origine Bleus ... ces filets Visite dans le passé La Concarnoise Vous avez dit Filets Bleus Fêtons la Reine Au fil des ans Les vents du large Plaisance et Vacances Présentation de la fête des Filets Bleus
10. 1905
Année noire L'esprit des Filets Bleus
11. Chansons - Poèmes - Légendes
Yann Konkernô le petit gueux Yann Konkernô et la reine des Filets Bleus Fable de la marée montante La légende de la pierre branlante La légende des Sonerien DU Albert LARRIEU Chanson les petits sabots Chanson des Filets Bleus La sardinière La Friteuse Marche bretonne Kermesse bretonne Vivent! Vivent ! Nos Filets Bleus Les Filets Bleus La Ville Close Pour les Filets Bleus A la Reine des Filets Bleus La chanson du centenaire La chanson des ramendeuses
12. La Bretagne : 1905
Création de la Fête des Filets Bleus Délocalisation
13. Journal "A la Page"
Rencontre en 1931 Poème - Port de Concarneau - 1931 Cauchemar en été 1961 Le tonneau maudit Le premier thonier Paradis perdu des homards bleus Terre de rencontres Le train de Concarneau L'abri des marins - Concarneau Abri de marins concarnois
14. Etonnante histoire
C'était en 1944
15. Hôtel des voyageurs
Hôtel des Grands Voyageurs
16. Statue de Jeanne d'Arc
Il y a 100 ans
17.Le quartier de La Croix
Le Quai Nul
18.La grande grève des ouvriers du bâtiment
La grève de 1929
19.L'ILLUSTRATION du 8 février 1930
La pêche à Concarneau
20.Une tempête sans S.O.S
Un métier à haut risque
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Fêtons
la Reine, chassons le Roi !
S'ils
adoraient leur Reine des Filets Bleus,
les Concarnois détestaient le roi des sardines.
Accusés,
levez-vous !
Eté 1905 : Depuis des années la sardine se fait rare, si rare que des familles entières survivent à grand peine. C'est pour aider les plus malheureuses d'entre elles qu'est créée la première fête de Filets Bleus.
Mais la même question revenait sur toutes les lèvres : Pourquoi ce capricieux poisson apparaissait-il de moins en moins dans les parages habituels ? On accusa les coupeurs de goémon qui détruisaient les lieux de reproduction et les alevins ; on montra du doigt les chalutiers à vapeur ; on mit à l'index les inconscients qui traquaient, au printemps, la " sardine mère ". Pas du tout ! déclarèrent les plus hautes autorités, c'est de la faute aux hivers trop doux, à la dérive de la banquise. Lors de très sérieuses conférences, on évoqua même les détériorations des tirs d'entraînement de la batterie de Gâvres, voire une possible pollution de ma mer due à l'éruption de la Montagne Pelée… en Martinique. A grand renfort d'arguments aussi irréfutables qu'invérifiables, chacun tenait à sa vérité. Mais dans les débits de boissons du Quai Pénéroff, les discussions entre marins finissaient toujours par l'unanimité sur le nom du coupable : Le Béluga !

Monstre mythique ou réalité ?
Voilà des générations que les pêcheurs se plaignaient des méfaits d'un animal insaisissable ravageant les bancs de sardines, déchiquetant leurs filets et rendant vains leurs efforts. Au XVIIIème siècle déjà on déplorait les dégâts d'un énorme poisson surnommé " Le maigre " ou " Roi des sardines ". Détestable roi que celui-là qui se jetait gueule grande ouverte sur ses sujets et les massacrait sans merci, déchirant au passage les filets tendus derrière les chaloupes. Hélas, dès qu'on voulait décrire ce monstre, tout devenait flou. Si du côté de Bordeaux un poisson bien connu portait le nom de " Maigre ", aucun n'avait été capturé aux abords de Concarneau ni des environs. Tout juste certains l'avaient-ils aperçu entre deux eaux : 7 à 8 pieds de long, de couleur noire ou brun verdâtre. Sur le dos, plusieurs tâches d'un jaune éclatant qui confirmaient son statut de Roi. Animal maléfique en tout cas, car s'il repérait une barque jetant de la rogue pour attirer le poisson, il ne la quittait plus, sachant que les sardines ne tarderaient pas à se regrouper autour de cet appât dont elles étaient friandes. Les marins n'osaient même plus mettre leurs filets à l'eau et rentraient au port. On avait rencontré le Roi de sardines, le mauvais sort était sur le bateau ! En 1860 encore, des rapports officiels feront état de ce redoutable animal " dont la forme se rapprochait de celle du thon ", reconnu par des fonctionnaires assermentés de la marine. On offrira même une prime de 60 francs à qui en rapporterait un… Mais le rusé poisson préféra soudain naviguer dans d'autre eaux.
Alors vint le Béluga.
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, avec le développement des conserveries,
la pêche à la sardine prend un essor considérable. De la baie de Concarneau
à celle de Douarnenez, d'Audierne au Croisic, des centaines de chaloupes
jettent à la mer de la rogue, à pleines baillées, pour attirer les bancs
convoités. Et, du coup, va aussi se multiplier dans ces parages un nouveau
prédateur : Le Béluga ! Celui-ci allait-il être plus facilement identifiable
que son lointain ancêtre le Roi des sardines ? Le mystère semblait s'être
transmis car, à nouveau, les témoignages vacillaient : Pour les uns, il
s'agissait d'un cétacé voisin du dauphin mais plus petit et restant prudemment
à bonne distance des avirons. D'ailleurs, assuraient certains, le Béluga
soufflait de l'eau par ses évents, contrairement au dauphin courant. D'autres
certifiaient en avoir vu d'entièrement blancs, comme les véritables Bélugas
des régions froides. Non, le ventre seulement est blanc, leur répondait-on
et, de plus, les Bélugas de chez nous ont la gueule bien au-dessous du
museau… Seul point d'accord, l'animal était bien trop malin pour se laisser
prendre. Aucune description ne concordait et, pourtant, dans tous les
ports on ne parlait que de Bélugas. Administrateurs, députés, ministères
discouraient a qui mieux mieux sur la nécessité de combattre le Béluga…
sans même connaître la nature de l'ennemi.

Faite donner l'artillerie.
Et l'on déborda d'imagination pour éradiquer cette bête aussi futée que
malfaisante. Appâts à la strychnine, aiguilles à ressorts placées dans
des sardines. Un pêcheur concarnois mit au point une sorte de filet trémail
dans lequel le monstre devait s'empêtrer. On proposa l'inoculation de
la rage par sardine interposée, pétards, projecteurs hynoptisants. Des
sommes considérables furent dépensées en vain : Les uns après les autres
ces procédés se révélèrent inefficaces ou dangereux. On mit à l'étude
un fusil lance-arpon, mais lors des essais officiels, aucun Béluga ne
daigna se prêter au jeu pour en vérifier l'intérêt. Des primes offertes
pour chaque tête de Béluga rapportée n'eurent pour effet que de faire
massacrer d'inoffensifs dauphins qui s'avérèrent, à l'autopsie, peu amateurs
de sardines. On décida donc de traiter l'invisible ennemi en véritable
belligérant. L'arsenal de Lorient distribua aux pêcheurs volontaires des
fusils de guerre Gras. Pendant un temps, les déflagrations firent leur
effet mais la sardine fuyait aussi. Pire, le gouvernement s'inquiéta de
voire des armes aux mains d'hommes inexpérimentés et parfois impulsifs.
On les récupéra donc et la Marine fut chargée de continuer la guerre.
Le Béluga fut chassé à la grenade, à la mitrailleuse, au canon de 37.
En baie de Douarnenez, un torpilleur fut spécialement affecté à cette
mission tandis qu'à Concarneau le garde-pêche " Le Pétrel " surveillait
de son côté d'éventuelles ombres suspectes. Peine perdue ! Le bruit des
moteurs effrayait la sardine et les Bélugas touchés - s'il y en eut ?
coulaient sans se laisser identifier. En haut lieu, on étudia même la
possibilité de faire intervenir des hydravions et des ballons dirigeables
mais la facture envisagée était telle que le coût de la sardine avoisinait
celui de caviar.

Diagnostic provisoire.
Las
de ce combat contre un ennemi sans visage, les scientifiques, eux, souhaitaient
avant tout démasquer l'animal. Poisson ? Cétacé ? A Concarneau, le professeur
Legendre confrontait les témoignages, recoupait les descriptions, les
comparait avec les espèces connues. Plusieurs fois, on le vit se précipiter
vers la digue, alerté par des cris d'effroi : Les Bélugas sont dans le
port ! Il ne vit que des bandes de dauphins s'ébattant autour de La Médée.
A défaut du moindre spécimen " Garanti Béluga ", il se résigna enfin à
une conclusion par déduction : Il ne pouvait s'agir que d'un squale, vraisemblablement
un de ces " Peau-Bleue ", de ces chiens de mer dont il analysait souvent
l'estomac gorgé de sardines. Sans doute la présence de cétacés dans les
mêmes parages avait-elle créé la confusion. Au fond, préconisait-il, la
meilleure arme contre ces requins voraces ne serait-elle pas un simple
harpon à main embarqué sur chaque chaloupe ? Pour autant, les avis continuèrent
à diverger. Un marin de la Ville-Close y gagna le surnom de " Peau-Bleue
"… Peut-être, finalement, les pêcheurs préféraient-ils garder à ce prédateur
son caractère mythique et un peu fantastique. Et puis les bancs de sardines
délaissèrent nos côtes, qui sait, pour suivre leur roi capricieux ?
Mais
si un jour vous découvrez, sur une plage un grand animal à la fois dauphin
et requin, portant une fine couronne d'or sur la tête, prévenez vite le
bureau du port. Vous avez enfin trouvé le premier Béluga. indiscutablement
authentique.
Michel Guéguen
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