SommaireBienvenue | Concarneau Groupes Programmation | ReinesRétrospectives | Passé


 

 

CONCARNEAU
 
La Fête des Filets Bleus 1937

Ce dimanche-là, CONCARNEAU se réveille tôt, mis en train par la retraite aux flambeaux de la veille. Il y a de la fébrilité dans l'air, on circule affairé. Tout est à la joie dans la ville parée. Ballon vénitiens, drapeaux, banderoles, filets bleus suspendus aux fenêtres, flottant dans la brise légère. Par les deux grandes artères, qui du nord et de l'est mènent à la Ville, arrivent sans arrêt autos et voitures. De QUIMPER, de ROSPORDEN, de SCAER, de BANNALEC, de PONT-AVEN, dé QUIMPERLE, de LORIENT, de plus loin encore, arrivent des cortèges de belles filles dont les costumes brodés se marient aux costumes plus sombres des hommes, aux toilettes claires des touristes.



Des binious sonnent là-bas, dominés par les flonflons des cuivres. Les vendeuses de petits filets se faufilent dans la foule : tout le monde, aujourd’hui doit porter au corsage ou à la boutonnière, l'insigne obligatoire, le petit « filet bleu » qui se vend au profit de l ’Œuvre. Les photographes opèrent.

Pendant ce temps, au Petit Château, on met la dernière main aux comptoirs de la kermesse. L'heure avance, midi va sonner. La foule se masse place de la Mairie. L'exactitude est dit-on, la politesse des rois : la Reine des Filets Bleus est toujours extrêmement polie. A l'heure prescrite par le protocole, à midi trente, elle prend place dans son char et, le cortège, assemblé par les commissaires se met en Marche, dans l'éclat des sonneries et des fanfares, parmi les chants et les rires. Un tonnerre d'acclamations éclate. Le cri de VIVE LA REINE va se répercuter à travers la ville pendant toute la journée. La souveraine du moment a revêtu son costume de gala, l'ancien costume de noces de CONCARNEAU, tout de dentelle et de soie blanches. Elle trône sur son char, avec à ses pieds, ses demoiselles d'honneur. La Reine des Filets Bleus traverse ainsi sa bonne ville acclamée sans fin par ses sujets d'un jour. Et, derrière elle, Bretons, touristes, voyageurs, étrangers, suivent en tumulte acclamant, riant et chantant.


Yvonne Le Noac'h - Reine 1937La REINE des FILETS BLEUS est une enfant du peuple. Toujours choisie, au début, dans la corporation des sardinières et des ramendeuses. Par suite de transformations inévitables, on s'est vu obligé d'élargir le cadre et admettre les autres métiers. De même, il fallait être Concarnoise ; les limites de la Ville ayant été reculées, les jeunes filles de la proche agglomération sont admises à concourir. La REINE autrefois était choisie par ses compagnes; aujourd'hui, elle est élue par les membres du Comité qui votent à bulletin secret.

Rattrapons le cortège que cette petite digression vous a fait quitter et qui serpente lentement par les rues de la Ville au milieu d'un peuple en rumeur qui ne cesse d'applaudir. Le voici à l'entrée de la Ville-Close où les chars ne peuvent entrer. La foule s'écrase dans la rue Vauban trop étroite. Sous les futaies du Petit-Château la kermesse développe ses attractions traditionnelles. De nombreux comptoirs sollicitent le visiteur : des crêpes douces pour les gourmands, du cidre pétillant pour les assoiffés, des jouets pour les enfants, des surprises, etc. etc. Les orchestres circulent et jouent sous les arbres ; tantôt ici, tantôt là-bas, le chœur des sardinières jette aux échos ses joyeux refrains ; la Reine, toujours accompagnée et suivie de ses Demoiselles d'honneur, passe et repasse, récompensant d'un sourire les bravos et les vivats. Mais la fête vaut surtout par son caractère breton et régionaliste, les concours de costumes toujours si ardemment disputés, le championnat de luttes et les concours de danses.


Le Breton est fier, et s'il se résout à révéler sa misère, c'est qu'il ne compte plus sur la pèche qui le fait vivre, et que la famine qui fauche les siens n'est plus supportable. Dans un magnifique élan qui fait l'éloge de ce sentiment qui reste pur au milieu de nos tares, la solidarité humaine, de tous les coins de France, s'organisent des souscriptions dans le but d'alléger une si grande infortune.

Dans le pays même, à CONCARNEAU comme ailleurs, on ne restait pas inactif. Chacun, dans la mesure de ses moyens, venait en aide aux plus infortunés ; mais la situation paraissait sans issue : la Pêche demeurait mauvaise. Que réservait l'avenir ?



Quelqu'un, à CONCARNEAU, proposa d'organiser une fête dont le rapport pécunier permettrait la création d'une œuvre durable destinée à venir en aide immédiate aux plus nécessiteux. L'idée fit fortune, les bonnes volontés se groupèrent, un comite de patronage fut élu. Nous y relevons les noms qui suivent:

Président-fondateur : M. Loïc de Cambourg, aux Sables-Blancs à Concarneau et rue Léo Delibes à Paris.
Vice-présidents : Docteur Lucas, Concarneau et Jos Parker, de Fouesnant.
Secrétaire : Emile Le Tendre, imprimeur à Concarneau.
Secrétaire-adjoint : Docteur Henri Dubois, Concarneau.
Trésorier : Glémarec, greffier de la justice de paix, Concarneau.
Trésorier-adjoint : Tanguy, secrétaire de la Mairie


A l'œuvre ainsi fondée et patronné il fallait un nom.
Le bon poète Jos Parker de Fouesnant « Al Laouénant »
le roitelet - nom qu'il s'était donné et qu'il aimait,
en fut le parrain et la baptisa

"ŒUVRE DES FILETS BLEUS"

.

Le but de l'œuvre : « Création d'un fourneau économique et d'une crèche : pour soulager l'immense misère qui sévit sur nos côtes bretonnes, par suite de la disette de sardines ; pour aider aussi les enfants ; les soutenir dans la vie, jusqu'au jour où la France les appelant dans sa flotte de guerre, ils seront assez robustes pour défendre et faire triompher le Pavillon national. Aussi le Comité n'hésite pas à tendre la main pour les malheureux qui, par un sentiment de dignité respectable, n'osent le faire, et, en leur nom, à pousser un cri de pitié »...