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LES
FILETS BLEUS SE SOUVIENNENT…
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UN POÈTE TROP MÉCONNU : ALBERT LARRIEU
Qui ne fredonne, à Concarneau, cette complainte
née il y a 102 ans, spécialement pour les Filets Bleus :
Quand
descend la nuit brune,
Sur
l’océan sans fond,
Là-bas, au clair de lune
Les
Filets Bleus s’en vont…
Rengaine
que reprenaient en chœur les usinières travaillant la sardine.
Modeste refrain devenu l’hymne national des Concarnois et qui
se perpétue de génération en génération. Mais qui se rappelle
encore le nom de son auteur ? Il mérite pourtant mieux que
l’oubli.
POÈTE
CONTRE VENTS ET MARÉES
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Lorsque
son père meurt, en 1892, Albert Larrieu n’a pas 20 ans. Il a perdu
sa mère quinze auparavant. Il n’est certes pas à la rue car la
famille Larrieu appartient à une lignée de médecins qui s’est
faite une solide réputation à Perpignan. Le père d’Albert y a
laissé le souvenir à la fois d’un praticien renommé et d’un homme
secourable pour les plus déshérités. Pour suivre la tradition
familiale, il destine tout naturellement son fils à la médecine
et le fait entrer à la faculté de Montpellier. Déception !
Ce que souhaite le jeune Albert c’est composer des musiques, écrire
poèmes et chansons, vivre de son art.
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Désormais
seul, le fils Larrieu s’engage dans les troupes coloniales, pour
rompre avec le passé et se libérer de ses obligations militaires.
Il pourra ainsi, ensuite, laisser s’épanouir les élans qu’il ressent
en lui. Après quatre ans de service en Annam, en Cochinchine,
il rejoint Paris. Paris, c’est le succès assuré !
Les
débuts s’avèrent pourtant difficiles : Larrieu écrit, compose,
hante les éditeurs, mais la gloire se fait attendre. Et, un beau
jour, la chance tourne : le petit chansonnier de province
va connaître, grâce à sa persévérance, et aussi à de précieuse
rencontres, la célébrité.
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A
Paris, Larrieu a fait la connaissance de Jean Richepin, poète
truculent, auteur dramatique en vogue… et amoureux de la Bretagne,
qui possède une résidence à Douarnenez. Enthousiasmé par ce jeune
troubadour, Richepin le présente à la Société des Auteurs et Compositeurs.
Dès lors, Larrieu produit sans relâche poèmes, opérettes et surtout
chansons « champêtres » ou populaires. L’une de ses
œuvres les plus connues sera « La Veuve », évocation
pathétique de la guillotine, qu’interprétera la grande Damia.
Peu
après, il se lie d’amitié avec le plus parisien des Bretons, l’auteur
de l’éternelle « Paimpolaise », Théodore Botrel. Les
deux chansonniers ont une sensibilité identique, même thèmes d’inspiration,
même style. Travaillant désormais ensemble, ils vont de succès
en succès.
En
1905, Botrel fait connaître à son ami « sa Bretagne ».
Il le conduit chez Fernand Le Goût Gérard, banquier devenu peintre,
dont il devient…l’accordeur de piano et à qui il fait entendre
ses œuvres. Le Goût Gérard passe une partie de l’année à Concarneau :
il va y emmener Larrieu.
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Avec
deux amis rencontrés lors de ses débuts à Paris, le guitariste
Farrail et le chanteur Delrieu, Albert Larrieu à crée le « Trio
Montmartrois ». De cabaret en cabaret, de salon en salon
on se dispute les trois artistes qui savent si bien chanter la
France des provinces et la vie des petites gens.
Le
Goût Gérard qui fait partie du Comité des Filets Bleus de Concarneau
demande à Larrieu de composer une chanson pour cette fête de charité.
Le chansonnier se met à l’ouvrage et bientôt naît sous sa plume
ce refrain qui fera longue carrière :
Vivent
les Filets Bleus
Matelots
joyeux,
Petits filets bleus….
Plusieurs
années de rang, le Trio Montmartrois viendra animer la fête, au
Petit Château, prenant part au cortège et accompagnant le chœur
des sardinières. Du coup, rebaptisé « Trio Concarnois »,
il est attendu chaque année avec les mêmes ovations. Captivé par
notre ville, Larrieu écrira aussi d’autres airs « typiquement concarnois » comme « La Chanson
des Sardinières » ou « Les Vieilles de Concarneau »
qu’il apprend aux jeunes filles du pays pendant les pauses, à
l’usine. Rapidement, ce Perpignanais inconnu chez lui devient
la mascotte de la fête concarnoise.

D’AUTRES
HORIZONS
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Eté
1914 : le monde chavire. Larrieu est mobilisé. Rendu à la
vie civile pour raison de santé, en 1916, il décide de rejoindre
les Etats Unis pour y chanter la France et contribuer peut-être
à engager ce pays à lutter à nos côtés ? Puis, ce sera le
Canada où il est accueilli à bras ouverts. Il y multiplie les
tournées et compose de nouvelles mélodies pour ces cousins d’outre
Atlantique. Il y restera jusqu’en 1923.
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Après
avoir figuré parmi les meilleurs chansonniers de son époque Albert
Larrieu meurt, en France, à l’âge de 53 ans, pratiquement oublié.
Mais au long des quais de Concarneau, le plus bel hommage que l’on puisse rendre à un poète, résonnent encore aujourd’hui ses vers pleins d’un charme désuet :
La
pêche sera bonne
Les
filets semblent lourds,
Je veux que mon Yvonne
Soit heureuse au retour
Michel
Guéguen
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