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Afin de rendre un hommage à mon père Charles Brunet qu'on appelait "Jean" sur le port ...
et qui naviga sur la Petite Micheline comme radio-mécanicien


Petite Micheline - CC 3237

C'est une société d’armateurs qui a financé la construction de Petite Micheline, immatriculée CC 3237. C'est un robuste bateau en chêne de 22 mètres qui jauge 54 tonneaux (volume intérieur, le tonneau valant 2,83 m3)

La bibliothèque de travail (n°247 du 22 octobre 1953) emmène ses jeunes lecteurs avec le mousse Léonard, 16 ans, à bord du Petite Micheline, un chalutier-thonier du port de Concarneau, pendant sa campagne de juillet 1951.

L’apparition du chalutier-thonier à moteur généralisa l’installation de la chambre froide. Le marin voit bien des avantages à cette innovation : gain de temps, travail assuré toute l’année avec le même bateau qui pratique la pêche au chalut de novembre à mai.

Le voyage sera long pour Léonard, de 15 à 22 jours. C'est lui qui sera responsable de la cuisine. Petite Micheline emportera, pour ses dix hommes d'équipage, 35 pains de 6 livres, 200 litres de vin rouge (un litre par jour et par homme), 50 kilos de pomme de terre, légumes verts, beurre salé, pâte, conserves de viande, café, sucre, thé, biscuit, condiments… et 2000 litres d'eau potable. De 15 à 20 tonnes de glace sont chargés dans la chambre froide. Le puissant moteur Diesel de 214 CV nécessite l'embarquement de 12000 litres de gas-oil et 200 litres d'huile sous la surveillance du douanier qui vérifie aussi le tabac emporté.

Le bateau appareille, Léonard aide les matelots à hisser la grand-voile qui restera déployée nuit et jour pendant le voyage. Au large, les marins abaissent les deux tangons, longues perches mobiles et flexibles de 15 à 20 mètres, fixées au grand mât avec lequel elle forme un angle d'au moins 40°. L'équipage a filé les sept lignes, dont deux munies de plomb, à chaque tangon de l'extrémité à la coque du bateau. Elles sont de longueur décroissante pour qu'elles ne s'emmêlent pas (de 30 à 10 brasses*).


Les hameçons d'acier jumelés munis de crocs sans ergot sont appâtés d'un leurre grossier fait de crin blanc ou coloré. Les lignes sont faites de lin tressé épais de 5mm, et terminée par quelques brasses* de fil d'acier. Il est rare que le thon parvienne à casser la ligne. sur chaque tangon est fixé un hale-à-bord qui permet de décaler les lignes pour hisser une prise.

A l'arrière s'installent deux autres lignes de 6 et 8 brasses*, appelées «bonshommes» et à la tête du mât arrière est prise une ligne de 42 brasses. *La brasse vaut 1,64 m

Le thonier devra parcourir une centaine de milles à l'ouest, soit près d'une journée de route, avant de rencontrer le thon. C’est une pêche hauturière. C'est au patron de découvrir les bancs. Le monde moderne lui a apporté la radiophonie qui lui permet d'obtenir des informations auprès d'autres patrons. Malheureusement ceux-ci sont parfois discrets, ne tenant pas à partager leur aubaine. Il guette aussi l'apparition d'oiseaux gris au bec recourbé, se nourrissant des mêmes petits poissons que le thon. Plusieurs jours se passent, la mer est trop belle et le thon n'aime que les eaux turbulentes.

Quand un banc de germon est signalé, un matelot fait le point au sextant avant de partir. La Petite Micheline a navigué toute la nuit, la mer est plus houleuse. Branle-bas, les hommes sont sur le pont, les hameçons bondissent sur l'eau car Jean, le mécanicien, fait tourner son moteur à 5 nœuds.

Quelques heures fébriles mais combien dures pour le marin! Il doit lutter avec chaque poisson qui mord car le thon, nageur extraordinaire et fort, saute, s'arcboute, se défend à coups de queue jusque sur le pont où Léonard l'achève d'un coup de poinçon au crâne. La mer reste houleuse aussi la capture continue-t-elle à une cadence prodigieuse. Léonard a compté 74 thons de 6 à 8 kilos en une heure !


Chaîne de débarquement du thon

L'équipage débarque les dix tonnes de thon à la main pour charger les camions de l'usine qui a acheté 80% de la pêche au prix de 185 francs le kilo. Le reste ira à la criée qui l'expédiera «en vert», c'est-à-dire légèrement salé et dans la glace. Robert tient à débarquer le thon rouge qu'il a pêché, Léonard emporte sa bonite. Chaque homme a droit à un thon et demi (environ 10 kilos) comme cotriade .

La répartition du montant de la pêche se fait le jour même de la vente, autour de la table d'un bar, en présence du représentant de l'armateur. On déduit les frais (vivres, combustible et glace), l'armement prend la moitié de ce qui reste. L’autre moitié se répartit ainsi : une part et demie au patron, une part et quart au mécanicien, une part à chacun des sept matelots, une demi-part à Léonard. La part se monte à 40000 francs, le marin est satisfait car il sait qu'un ouvrier ne gagne pas autant dans son mois. Mais ce n'est pas trop payé la fatigue, le danger et l'éloignement de la famille.

Chaque année, Concarneau déplore la perte d'un ou plusieurs thoniers de sa flottille. En outre, le pêcheur salit et use rapidement un abondant trousseau qu'il paye cher. Et, surtout, les voyages se suivent mais ne se ressemblent pas. L'année 1947 fut particulièrement lamentable.