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L'AVENTURE DU TRAIN de CONCARNEAU

Juillet 1883 : la naissance

« Ce dimanche 1 er juillet 1883 allait devenir une date clé de notre Histoire locale : pour la première fois, le train arrivait à Concarneau. Voilà vingt ans déjà que Quimper et même Rosporden avaient ce privilège. Heureusement que, pour la plupart des habitants, les voyages n'étaient guère de mode. Mais gérants d'usines, mareyeurs et hôteliers avaient une vision plus réaliste de ce qu'allait apporter le chemin de fer pour la prospérité du canton : poisson et conserves livrés au plus vite, estivants plus nombreux, relations plus faciles avec Quimper, Nantes, Paris et la France entière.

Grâce à la Compagnie d'Orléans, Concarneau ne serait plus à l'écart du progrès. Et, en cas de guerre, ne serions-nous pas ainsi tête de ligne d'une voie stratégique ? Malgré le temps maussade, il y avait foule devant la gare flambant neuf, emmaillotée de guirlandes, de drapeaux et de banderoles.

« Il n'avait fallu que deux ans de travaux pour mener à bien ce chantier. Un seul point noir irritait encore les Concarnois : cette gare, comme déjà le cimetière, était construite... sur le territoire de Beuzec. Bon nombre d'adultes trépignaient comme les enfants, à l'idée de voir enfin, pour de vrai, ce qu'était une locomotive. Tout à coup, l'énorme silhouette noire pavoisée, nimbée de vapeur blanche, apparaît au bas de la colline de Kerizette. Un instant plus tard, le convoi s'immobilise dans un grincement strident. La fanfare entonne une Marseillaise endiablée.»

« Uniformes, hauts-de-forme, melons et redingotes, robes à volants et capelines n'en finissent pas de descendre les hauts marchepieds des wagons de bois. Le temps de défroisser un jupon, de chasser une escarbille du coin de l'oeil et le cortège se forme, passe sous un arceau de verdure au sortir de la gare puis entre deux haies de chupennou de velours, de coiffes et de grands bérets.»

«Pompiers et militaires ouvrent la marche, musique en tête. On descend le Grand-Chemin, attirant sur les pas-de-porte de nouveaux curieux. Chacun cherche à reconnaître les édiles locaux, le maire Roulland, le préfet, le député Hémon. Puis, sous les halles, ce sera le banquet officiel de 150 couverts, ponctué de discours, de congratulations, de toasts à la République, au président Grévy, au chemin de fer. Il ne restera plus qu'à rebaptiser le Grand-Chemin : Concarneau et Beuzec ont désormais une avenue de la Gare ! »


Les premières années : le progrès !

« Près des bureaux de la gare, on a construit un hangar spécial pour le poisson. Chaque matin, c'est un va-et-vient affairé de voitures à cheval venues y déposer caisses et paniers de marée fraîche à destination des grandes villes. À côté, un autre local abrite les colis et marchandises de toutes sortes. Afin de décourager tout trafic frauduleux, un poste de douane est même mis en place dans la cour de la gare, en 1898. Il fonctionnera jusqu'en 1928. Les Concarnois ont découvert une nouvelle façon de se « dépayser » à bon marché : le dimanche, on embarque pour La Boissière ou Rosporden. Le temps de respirer quelques bouffées de fumée âcre, de voir défiler champs et talus derrière la vitre, de pique-niquer sous un arbre et l'on refait le trajet inverse, bien souvent à pied pour ne pas gaspiller. Un souvenir inoubliable.

« Quant aux « villégiateurs », c'est par centaines qu'ils débarquent maintenant chaque été, étonnés de cette si petite gare et de ces carrioles d'hôtels qui les attendent dans la cour. Le train concarnois est un vrai succès. En 1929, le maire fait part de sa satisfaction : 100 000 voyageurs et 50 000 wagons de marchandises chaque année. Il en profite pour demander que la gare soit modernisée, ne serait-ce qu'en y installant le téléphone et surtout l'électricité ! Les voyageurs ne se moquent-ils pas de cette antique lampe à huile Carcel, seul éclairage de cette gare « touristique » ?

« Pour beaucoup de Concarnois, cet endroit évoquera longtemps aussi des souvenirs peu agréables de séparations : départs en masse vers les mines du Nord en 1907, mobilisation de 1914, de 1939, dernière permission avant l'Algérie... »


Après la Guerre : un nouvel essor

« L'occupation allemande va encore amplifier l'importance du chemin de fer. Depuis 1909, une ligne à voie étroite reliait le port à la gare du Grand-Chemin. Abandonnée en 1936, lors de la suppression du train de Pont-Aven, on songe, dès 1942, à la remettre en service mais, cette fois, en l'équipant d'une voie à écartement normal. De nombreux chalutiers à vapeur de Dieppe, Boulogne puis Lorient se sont repliés sur Concarneau et débarquent de grandes quantités de poisson que l'on destine essentiellement à la région parisienne.

Le 2 mars 1943, le premier train de marée quitte la criée, en présence de quelques personnalités. Un long quai d'embarquement a été créé le long du quai Carnot pour faciliter le chargement des wagons frigorifiques. Ce moderne dispositif, que gérera par la suite la Stef, fonctionnera à plein rendement jusqu'aux années 60, lorsque le routage prendra le pas sur le train. En 1974, le transport de la marée par la SNCF sera supprimé. »

Années 60 : la fin d'une époque

« Côté voyageurs aussi, la multiplication rapide des automobiles fera décliner le nombre des amateurs de train. Le 4 octobre 1959, la liaison avec Rosporden, au départ de Concarneau, est remplacée par une navette autocar. Dans les années 70, le bilan « marchandises » de la gare est encore de 76 000 tonnes par an, notamment composées d'engrais, de ciment, de fer-blanc, d'huiles et de pommes de terre. En 1979, le directeur régional de la SNCF affirme d'ailleurs : «Je peux vous assurer qu'aucune menace ne plane sur cette ligne!» Les derniers convois de tôles destinées à Carnaud-BMA circuleront dans les années 90. Un ultime train chargé de matériel pour GDF sera le dernier à emprunter la voie ferrée, en septembre 1998.

Dépouillée aujourd'hui de ses trains, la gare continue pourtant à assurer la billetterie comme autrefois malgré son aspect décalé, au milieu des herbes sauvages et des camping-cars. La vénérable bascule qui trône encore près des guichets garde encore la tête haute, dernier témoin des heures de gloire de cette maison du train qui fêtera l'année prochaine ses 125 ans d'existence. Deviendra-t-elle bientôt un gîte d'étape pour randonneur fatigué ou bien quelque nostalgique fortuné est-il prêt à redonner vie à cette émouvante station du chemin de fer. Qui sait ? »


Michel GUEGUEN