Achille
Granchi était né à Lyon le 10 juillet 1857.
Père immigré italien, mère anglaise, Anne-Marie
Taylor, il chercha à se faire un nom en peinture, il associera
le nom de cette mère anglaise en signant « Granchi Taylor
».
Granchi découvre la Bretagne et Concarneau, il causa
une grande sensation dans la région, non pas tant par sa peinture,
mais par son costume de travail : il peignait en effet, vêtu
d’une redingote, des sabots de bois aux pieds et il portait
sur la tête un chapeau haut de forme de Yokohama.
Dans la foisonnante galerie des peintres qui illustrèrent les
quais de Concarneau, aujourd’hui encore Granchi-Taylor apparaît
en retrait, derrière l’écran brumeux qui enveloppe
ses toiles. Ce colosse barbu qui niche au balcon de la maison de bois
de la digue, reste l’illustrateur
de la misère sardinière des années 1900.
On
le voit autour du port de Concarneau où il saisit
les attentes des femmes, des enfants, des vieux : Granchi est conscient
de magnifier le vrai peuple du pays, celui des travailleurs de la
mer. De manière plus profonde, discrète et sentimentale,
Granchi-Taylor a lié son nom à Concarneau par une affiche
mille fois reproduite, celle des Filets Bleus. Tout le monde connaît
ici cette maternité de la digue : une pauvre femme, coiffe
de campagne, attend tout de la mer dans une attitude tendre et pourtant
impassible. La kermesse organisée en 1905 pour les pêcheurs
et baptisée Fête des Filets Bleus n’appelait à
aucun lendemain et ne demandait pas de support publicitaire. L’affiche
viendra plus tard.
Granchi
marquait une préférence pour les scènes graves,
même tristes, pour le sérieux des visages, pour la placidité
ou la résignation des attitudes, pour la sobriété
des gestes. Il prenait pour modèles des vétérans
de la pêche, des chiqueurs boucanés, mais sans truculence,
surpris dans leurs occupations familières, des mousses têtus,
patients et soucieux…tous baignés dans cette atmosphère
grise et non terne qui est peut-être une spécialité
de la Bretagne qui fut certainement dans la vision de Granchi.
Il
l’a bien connu, ce peuple de la côte bretonne. Et il l’a
bien connu parce qu’il l’a bien aimé. Il faisait
de longues conversations avec ses pêcheurs, s’embarquait
avec eux, partageait le plus possible leur vie, par goût, discrètement
et sans tapage.
Il
observe, décrit la misère ambiante, il regarde
et s’apitoie de loin. Les scènes qu’il rencontre
à la digue, sur le quai Pénéroff, dans la lande
du Rouz, le renvoient à un monde isolé, portant coiffe
ou béret, un monde de travailleurs ramenant l’hiver des
poissons de chalut, une ville qui attend le retour des pêcheurs
et qui connaît trop souvent le désespoir des filets vides.
La misère, dont on n’a plus seulement l’idée,
était dans nos ports une réalité ambiante que
peu d’artistes ont su suggérer discrètement comme
Granchi Taylor.
Extraits de la brochure du Musée de la
Pêche de Concarneau (Louis-Pierre Le Maître)