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 LA FÊTE DES FILETS BLEUS
EN 1920

Antoinette ROCHEDREUX
 

Reine 1920 - AntoinnetteConcarneau a vu dimanche dernier se dérouler le long de ses remparts et  dans sa citadelle la plus merveilleuse des fêtes bretonnes. Affluence indescriptible, trains bondés, pays envahi, jamais la fête, aujourd’hui partout célèbre, n’avait encore provoqué le déferlement d’une telle mer humaine. Sous les banderoles qui leur souhaitaient la bienvenue, se pressaient des milliers de touristes, venus de tous les coins de la Bretagne et de bien au delà.

Le concert de la veille avait été un heureux prélude. A peine terminée la retraite aux flambeaux qui marquait le début de la fête, il ouvrait ses portes. Un concert des Filets Bleus a toujours été un régal artistique. Cette année, le grand ténor Rousselière, de l’Opéra, ayant bien voulu donner à « l’œuvre » son gracieux et magnifique concours, l’éclat en fut incomparable.

Le lendemain le soleil semblait un peu boudeur mais le ciel s’éclairait à l’heure de la fête.

Midi et demi. La reine arrive en landau avec ses demoiselles d’honneur. Reçue sur le perron de la Mairie par le maire de Concarneau et le président de « l’œuvre », elle est saluée par M. Le Préfet du Finistère et M. Bouilloux-Lafont, député et conseiller général, tous deux présidents d’honneur, qui consacrent ainsi en quelque sorte et sa loyauté et « les Filets Bleus ».

Reine des Filets Bleus de 1920, nulle reine de royaume ne portera plus joliment que vous la royauté, nulle n’eut une dignité plus souriante et plus simple à la fois, nulle ne répondit avec une grâce plus charmante aux acclamations de ses sujets.                            

LE CORTEGE ET LA KERMESSE

Le cortège est parti dans l’allégresse de l’immense foule et sous la tempête des bravos. Derrière la musique, la Lyre Concarnoise jouant d’entraînantes marches bretonnes ; après le landau officiel vient un groupe serré de costumes Cornouaillais et Léonards , précédé de binious, puis c’est le char des sardinières tout tendu de filets, et enfin la barque ou trône de la reine et sa cour, barque légère, harmonieusement portée sur une vague.

Antoinnette RocheudreuxLe défilé de la ville close est franchi et voici que la reine rentre au Petit Château, suivie des sardinières chantant le refrain célèbre « les Filets Bleus », d’Albert Larrieu.

Alors, à partir de ce moment, c’est l’indescriptible ; ce sont les entrées assiégées, les distributeurs de tickets d’entrée débordés. Une foule que le contrôle a estimé à 10 000 personnes pénètre dans le parc, afflue aux comptoirs, au buffet, aux cabarets bretons, se précipite aux baraques, aux arènes  de luttes.

Nous développerions trop ce compte rendu en nous attardant à toutes les boutiques, devant les paradis forains, en entrant aux salles de représentations, et si nous voulions féliciter tous les organisateurs et organisatrices de tant d’attractions, qu’il nous suffise de dire que grâce à ces derniers les recettes furent belles, très belles.

Jamais il n’y avait eu un tel concours de bonnes volontés, une seule harmonie, une seule émulation dans le désir de faire beau et bien, pour faire le bien. Jamais non plus, de mémoire de « Filets Bleus » il n’était accouru pareille affluence de costumes bretons . L’estrade du concours ne suffisait pas à les contenir. Comme toujours les luttes attirèrent en masse les curieux et les amateurs, mais nulle attraction ne retint la foule autant que le Concours de danses bretonnes qui clôtura pittoresquement la fête de jour.

A six heures, le triomphal cortège débouchait des portes de la Ville Close et fendait la multitude pour parcourir les principales rues de la cité avant de s’arrêter aux marches de la mairie où eut lieu la distribution des prix du concours.

LA FETE DE NUIT

A la nuit tombée, le parc du Petit Château rouvrit ses portes, en même temps que le ponton de la Ville Close, s’illuminait de milliers de lanternes vénitiennes. La reine, toujours acclamée, vint donner le signal d’un bal champêtre qui dura jusqu’à dix heures. A ce moment, la musique sonna la retraite. Cependant le programme prometteur n’était pas épuisé.

Tout à coup, au signal d’une fusée, débouche une théorie de bateaux illuminés. Ils ont contourné la Ville Close et ils viennent évoluer dans l’arrière port. Vraie féerie que cette escadrille multicolore qui sous la direction du bateau chef de file fait de savantes évolutions. D’énormes feux blancs éclatent, des feux de Bengale rouges ou verts s’allument à tous les bords, les fusées montent aux ciel, les chants retentissent et les trompes de chasse sonnent des fanfares. Les jeux d’ombres et de lumières changent à chaque instant la silhouette fantastique des remparts et des bastions et l’on se croirait transporté dans un décor des « mille et une nuit ».

Onze heures. Voici que les bateaux regagnent leur mouillage et que les lanternes une à une s’éteignent. Les « Filets Bleus » tant et si heureusement fêtes sont à leur tour descendus des vergues et dans la nuit noire repartent vers le large. Leur fête est finie, ils vont reprendre la tâche quotidienne

Puissent-ils, pour la félicité de toute cette population bretonne
dont les espoirs s’accrochent à leurs prises,
revenir au port toujours chargés du  précieux poisson d’argent.