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- CONCARNEAU
La Fête des Filets Bleus 1937
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Depuis quelque temps déjà, sur les murs de Concarneau, sur les murs de toutes les localités bretonnes, dans les gares, un peu partout, au milieu des affiches réclame, bariolées de couleurs violentes, un placard très sim1e attire les regards. Tout blanc, imprimé de bleu, il porte, en tête : VILLE DE CONCARNEAU - FETE DES FILETS BLEUS. Fidèle à une tradition vieille déjà de trente-deux années ( la Fête des filets bleus fut en effet, fondée en I905), Concarneau s'apprête à célébrer sa fête, une fois de plus, et ce ne sera pas la dernière.
La Fête des Filets Bleus est la plus ancienne des fêtes bretonnes de caractère régionaliste. Elle a servi de modèle à toutes les autres fêtes bretonnes de même genre qui ont été organisées par la suite, non seulement au pays breton, mais encore à Paris et ailleurs, voire même aux Colonies françaises où existent des groupes bretons, et c'est partout …
Il serait bon, pensons-nous, d'en rappeler l'origine et le but
Sur le berceau de la Fête des Filets Bleus, s'est penchée une fée, bienfaisante entre toutes les fées, une fée qui porte le plus beau nom du monde : " La Charité". C'est elle qui a toujours guidé notre fête depuis 32 ans, c'est elle qui toujours la mène par la main et assure sa continuité par la collaboration sincère de toutes les bonnes volontés. La Fête des Filets Bleus a toujours été et demeure, avant tout, une fête de bienfaisance.
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La condition des marins-pécheurs bretons a souvent été déplorable, fréquemment malheureuse, quelquefois désespérée. Les années qui vinrent après 1900 furent des années de misère. La sardine, dont la pêche constituait alors, le plus clair revenu des pécheurs, la sardine dont l'industrie faisait vivre toute une population laborieuse, la sardine avait désertée les côtes bretonnes. La misère était grande, dans les chaumières bien des foyers étaient sans feu. Quand, en France, fut connue cette situation malheureuse, l’émotion fut considérable ainsi qu'en témoigne la presse entière de l'époque.
« L'Illustration » dans son numéro du 5 Octobre 1902 consacre une page à « Concarneau », la jolie ville malheureuse. ''Ce sera cet hiver - c'est déjà - (écrit le rédacteur) grande misère sur la côte bretonne. La saison a été mauvaise, et les touristes, les baigneurs sont venus moins nombreux que les années précédentes vers leurs « petits trous » favoris si calmes et si pittoresques. Et puis la pêche a été pitoyable, la pêche à la sardine surtout, qui fait vivre tout le littoral sud-armoricain, d’Audierne à l'embouchure de la Loire. Or la rogue, l'appât jeté en pure perte aux gouffres, coûte cher, et les filets aussi. Il va falloir venir en aide à tous ces pauvres braves gens si vaillants pourtant, si durs à la peine et victimes d'un sort injuste ...
En janvier 1906, on peut lire dans " La Vie illustrée'' sous ce titre : "La misère en Bretagne - La sardine sur les côtes bretonnes '' : "La misère, cette plaie qui n'a pas de patrie, désole nos côtes bretonnes ; des familles de pécheurs, éprouvées par la raréfaction de la sardine qu'un poète breton a appelé : « Le blé de l'Océan », ne gagnent plus le pain quotidien. De Brest à Quiberon, le long de la côte escarpée et capricieusement découpées, de longues théories de pécheurs, aux visages halés par le vent du large et émaciés par les privations, ondulent sans but dans une promenade désespérée. La pêche à la sardine est arrêtée, on va a la pèche au pain, à la recherche de la miche, fiévreusement attendue, là-bas, par les petits, dans la cabane lépreuse que la joie à désertée.
(Samedi 21 et Dimanche 22 Août) Le parrain de la Fête des Filets Bleus, Jos PARKER de Fouesnant qui dota l'œuvre de son insigne célèbre, le petit filet bleu, nous quitta l'un des premiers. Il repose de l'autre côté de la baie, sous les arbres, près de la mer.
Si l'Ankou dans un coin de lande me guette,
Que l'on m'y trouve, un soir, comme un fantôme blanc,
Avec un dernier ton de chêne à ma palette,
Un dernier vers d'amour sur mon album tremblant.
Vous qui me garderez ma place dans la terre,
N'y mettez pas de marbre avec son piédestal :
Je ne veux, pour orner mon tertre solitaire,
Que la pierre et les fleurs de mon pays natal.
Jos PARKER, dit-on, ne fut pas un grand poète : le roitelet n'a jamais brigué les lauriers du rossignol, il fut néanmoins un poète délicieux dont les airs de bombarde résonnaient harmonieusement dans les chemins creux, sous les branches des chênes, que le peintre peignait quand le poète était las de chanter. Chez lui « tout est breton , c'est à-dire, simple, loyal, sincère (écrivait François COPPEE). Sans doute il y a de l'art et du plus délicat, dans ses poèmes, mais j'y trouve plus et mieux encore, une inspiration franche et naturelle ». Notons en passant qu'une de ses œuvres a conquis la grande popularité « Les Chemins Bretons ». Qui ne chante avec émotion ces vers légers, qui ne rêve en suivant ces chemins ensorcelés, dont la fantaisie nous mène de travers au lieu d'aller droit Samedi 21 Août, lors de la fête nautique de nuit, le barde CUEFF nous chantera la chanson des « Chemins Bretons » pour la joie de nos oreilles.
Aussitôt constitué le Comité des FILETS BLEUS se mit au travail. La célébration d'une fête fut décidée, fête originales d'un caractère nouveau. Il fallait attirer à CONCARNEAU des visiteurs nombreux, tant bretons qu'étrangers, pour le plus grand bien et du commerce local et de la caisse de l'œuvre. Toutes les bonnes volontés furent mises à contribution. La salle des mariages à la mairie de CONCARNEAU vit des réunions nombreuses, quelquefois passionnées.
L'accord se fit sur ces premiers principes : Adresser un appel à la population concarnoise et aux voisins immédiats pour la décoration des maisons, aux marins pour orner leurs barques de drapeaux et de filets bleus, à l'honneur ce jour là après avoir tant peiné ; aux jeunes gens et jeunes filles de la Ville et de la campagne invités à revêtir leurs plus beaux costumes et les anciens atours. La population répondit avec enthousiasme à l'appel du Comité et le 21 AOUT I905, la première fête des FILETS BLEUS obtint son premier succès. Elle fut célébrée sur la Place d'Armes (aujourd'hui Place Jean-Jaurès). Un hasard heureux met sous nos yeux un numéro de « Fémina » qui parut à l'époque et où la fête est décrite comme suit :
LE GOUT-GERARD, le grand artiste breton, Concarnois d'adoption, demeura longtemps président de l'œuvre des Filets Bleus ; quand, fatigué, il se démit de ses fonctions, le Docteur LUCAS lui succéda. Sous sa direction, la Fête des FILETS BLEUS, sagement conduite et administrée, connut toujours le succès qui ne cessa de suivre sa marche ascendante quand le Docteur DUBOIS qui est un poète charmant et délicat, en dehors de sa collaboration directe et effective, mit sa plume au service de l'Œuvre. En de nombreux poèmes il a chanté CONCARNEAU et les FILETS BLEUS :
- - Passant, vous vous plaisez à leurs grâces légères
Et vous applaudissez aux sinueux ébats
Des filets au repos se balançant aux mâts,
Passant, ayez aussi souci de leurs misères.
- Vous aimez l'air joyeux, câlin et captivant
Qui, les jours de Zéphyr, sort des molles écharpes,
L'instrument qui le joue avec un bruit de harpes
Ce n'est pas le filet, songez-y, mais le vent.
- C'est la brise d'été s’ébattant en la trame
Qui lance la chanson en dictant le refrain.
Si le filet 1a chante en cachant son chagrin,
Le chagrin, trop de fois, sanglote dans son âme.
- Car il est bien des jours ou, quelque diligent
Que soit le dur labeur à compenser ses peines,
Le filet, à la mer tendant ses mailles vaines,
La barque rentre au port sans un poisson d'argent.
- Passant heureux, songez au sort de la nacelle,
Incertaine toujours du gain du lendemain ;
« L’Œuvre des Filets Bleus » aujourd'hui tend la main.
Pour les jours malchanceux, videz votre escarcelle
Les Concarnois se rappellent toujours avec plaisir les Revues locales, qu'il écrivit pour l'Œuvre, par la suite : ' » V’là la revue de CONCARNEAU », « Un an après »...
L'affiche de GRANCHI, étant épuisée, avons-nous dit, il fallait pourvoir à son remplacement. Le peintre JANSSAUD (encore un dévoué à l'Œuvre) sortit vainqueur du concours, avec " La Fête de nuit des Filets Bleus".
Le bleu soutenu de la composition, est en harmonie avec la couleur dominante de la fête, « Car » écrit un visiteur de CONCARNEAU tout est bleu dans cette perle de l'Océan, entre le ciel flamboyant et la mer charmeresse. Le filet des marins de CONCARNEAU est teint de la jolie couleur bleu tendre qui est la couleur de l'eau de mer. Depuis les bérets bleus des pêcheurs jusqu'au reflet bleu des poissons, tout ici est couleur d'azur : dans le bourg, les yeux des friteuses alertes et gamines trottant menu dans leurs petits sabots qui claquent d'un coup sec et décidé sur le sol ; dans le port, la forêt innombrable des mâts le long desquels se balancent ces filets qui flottent par milliers au gros vent ou sèchent à la bonne chaleur du soleil."
Il nous faut bien évoquer, maintenant,
après en avoir tant parlé,
une FETE des FILETS BLEUS !
Deuxième partie
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